Au festival Le Temps d’aimer la danse à Biarritz, Léo Lérus livre un quatuor hypnotique qui mêle les traditions guadeloupéennes du GwoKa et du Léwoz, avec un dispositif technologique qui explore le concept d’entropie et une écriture d’une virtuosité rare, où les gestes tour à tour, denses, sensuels, saccadés se disloquent pour figurer le chaos.
Un fond de scène jaune pâle, comme le soleil au petit matin. Quatre silhouettes à contre-jour, dos au public, se déplacent dans un carré blanc sur la scène, marchent avec dynamisme, se croisent, changent de place, forment des figures géométriques. Au rythme d’une musique entraînante, le groupe se lance dans un enchaînement rapide, à la fluidité chaloupée. Les bras, les bassins, les genoux ondulent, créant des phrases ponctuées de saccades, des contractions du buste, de pas rapides, scandés au rythme de la musique. Originaire de Guadeloupe, Léo Lérus a été formé auprès de Lena Blou au GwoKa (musique et la danse des esclaves de cette île des Caraïbes), mais aussi auprès d’Ohad Naharin au Gaga lors d’un passage comme interprète à la Batsheva dance company. De ces enseignements découle un style grisant, qui fait la synthèse des traditions de sa terre natale avec une réflexion contemporaine, qu’il déploie depuis 2011 avec sa compagnie Zimarel.
C’est dans cet esprit que naissait Entropie (2019), une pièce dont la structure, les gestes et la musique sont imprégnés des rythmes caribéens GwoKa et Léwoz (rassemblement populaire souvent en cercle, où l’on chante, danse et joue de la musique), qui dialogue avec un dispositif musical et lumineux imaginé par Gilbert Nouno, relié au corps des interprètes grâce à des capteurs. Une manière technologique de donner à voir le concept thermodynamique d’entropie, qui désigne la dégradation de l’énergie, qui se matérialise dans les corps.
Car si le spectacle commence par une phrase très écrite, plutôt entraînante, les gestes et l’énergie se disloquent au fur et à mesure, laissent place à l’improvisation, pour reprendre de nouvelles formes à plusieurs endroits dans la pièce, avec une habileté d’écriture frappante. Des formes géométriques surgissent, des carrés mouvants, les danseurs et danseuses changent de place, elles rappellent un quadrille, les lignes verticales face au public, où chaque interprète déploie son style, parfois aux accents hip-hop, ou encore trois soli dans des carrés de lumières, côte à côte face à la scène.
Lumières, musiques et danse créent un ensemble hypnotique et dessinent un étau qui enveloppe et plonge dans un état de conscience modifié le spectateur. Dans cette écriture singulière qui figure le chaos, rare par sa virtuosité et son originalité, Léo Lérus livre une synthèse de son parcours de danseur et un hommage par les corps aux traditions de Guadeloupe, qui tient autant de l’intime que du politique.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Entropie
Chorégraphie Léo Lérus. Concept musical Léo Lérus et Gilbert Nouno. Dispositifs interactifs sonores et lumières Gilbert Nouno. Danseurs Ndoho Ange, Maëva Berthelot, Léo Lérus, Shamel Pitts. Création lumière, régie générale et régie lumière Chloé Bouju. Costumes Ingrid Denise. Regards extérieurs Clémence Galliard, Michael Getman, Julien Monty.
Production Compagnie Zimarel – Léo Lérus / L’artchipel – Scène Nationale De La Guadeloupe
Coproduction L’artchipel – Scène Nationale De La Guadeloupe/ Théâtre 71, Scène Nationale De Malakoff
Soutiens Chaillot – Théâtre National De La Danse Dans Le Cadre De « La Fabrique Chaillot » / Dac Guadeloupe / Adami / Onda / Conseil Régional De La Guadeloupe / Ville De Sainte-Anne.Durée : 55 minutes.
Vu au Festival Temps d’Aimer la Danse Biarritz, au Théâtre Michel Portal, Bayonne, le 13 septembre 2022.
Tournée 2023
La Mégisserie, scène conventionnée – Saint Junien, le 7 mars.
L’empreinte, Scène nationale Brive- Tulle – théâtre de Tulle – Brive la Gaillarde le 9 mars.
Scène Nationale d’Aubusson, théâtre Jean Lurçat – Aubusson, le 11 mars.
Le Manège, scène nationale – Maubeuge le 15 mars.
Espace Lino Ventura – Garges-lès-Gonessse, le 18 mars.
Théâtre Sévelin 36 – Lausanne, Suisse, les 21 et 22 mars.
Espace Germinal – Fosses, le 4 avril.
Figuier Blanc – Argenteuil, le 7 avril.
Scènes du Golfe – Vannes, le 12 mai.
Le Triangle – Rennes, le 16 mai
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