Bérénice, tragédie de la maturité racinienne, écrite en 1670, est remarquable par sa simplicité d’action. Bérénice, reine de Palestine, et Titus, empereur de Rome, s’aiment. Mais l’accession au trône de ce dernier change le cours des événements : Titus revient sur sa promesse de mariage. Incapable d’affronter Bérénice, il demande à son ami Antiochus, roi de Comagène et héros de Rome, de lui annoncer la séparation à venir. Antiochus nourrit depuis des années un amour fou pour Bérénice. Il se confie à elle, tout en lui annonçant la décision de Titus, s’avouant enfin, malgré lui, le rival de l’empereur. Tragédie de l’opposition entre les langues du cœur et de l’Etat, Bérénice est une élégie sans mort, un long poème des amours perdues.
A ceux qui reprocheraient à l’œuvre le manque d’action, on pourrait répondre : aimer, n’est-ce pas agir ? Et décider de ne plus aimer ? Et finalement, arrêter la marche du destin, et décider de ne pas se sacrifier, de ne pas mourir ?
Le véritable engagement politique et poétique de Racine est ailleurs, dans la langue inventée. C’est l’alexandrin qui met la langue dans tous ses états, par cette hospitalité sans merci de la forme, à la fois extrêmement sophistiquée et hypnotique comme une litanie.
Après son adaptation de La Mouette et le triptyque Les Insoumises, interprétés avec une grande simplicité et dans une épure du plateau, Isabelle Lafon s’attelle ici à la forme classique par excellence. Elle compose un groupe de six comédiens, un homme et cinq femmes, une distribution inattendue sans doute, capable de recevoir la confidence de Racine. Comme sur un ring, ils se font face, trois contre trois. Les personnages apparaissent, incarnés tour à tour par chacun, aidé en cela par un espace construit de lumières, de projections et par un plateau magnifiquement dépouillé.
Bérénice de Racine
Mise en scène Isabelle Lafon
Avec Eléonore Briganti, Karyll Elgrichi, Pierre-Félix Gravière, Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon, Judith Périllat
Adaptation Isabelle Lafon Lumière Jean Bellorini Assistanat à la mise en scène Marion Canelas
Production Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis Coproduction Les Merveilleuses, MC2: Grenoble. Action financée par la Région Ile-de-France.*Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis
Du17/01/19
au 03/02/19
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