La saison dernière au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine, Catherine Marnas a présenté La Nostalgie du futur, « appel à la résistance » composé avec des textes de Guillaume Le Blanc mêlés à des entretiens de Pier Paolo Pasolini. Mais qu’en est-il, en France, du théâtre pasolinien ?
Deux ouvrages rassemblent, en français, l’ensemble des pièces écrites par Pasolini. D’abord Théâtre, paru en 1995 chez Actes Sud, puis Théâtre 1938-1965, publié en 2005 chez Les Solitaires Intempestifs. Toutes les pièces que le public a pu découvrir sur scène sont extraites du premier volume : Calderon, Bête de style et Pylade (les pièces épiques) ainsi qu’Affabulazione, Porcherie et Orgie (les pièces de chambre). La rédaction de celles-ci marque un tournant dans la vie de Pasolini, qui les a toutes écrites en un mois en 1966, alors qu’il est hospitalisé pour un ulcère. Il se contentera de les retoucher, jusqu’en 1968. Les textes du volume paru chez les Solitaires Intempestifs s’apparentent davantage à des brouillons et à des exercices.
En France, le nom de Pasolini au théâtre a été, dans la plupart des productions ambitieuses, accolé au nom de Stanislas Nordey. En tant qu’acteur et metteur en scène, il s’est attaqué à cette écriture à la fois crue et obscure dès l’âge de 27 ans, avec Bête de style, puis il a monté, ou du moins joué, toutes ses pièces publiées.
Dans un entretien à l’AFP en 2015, Nordey affirme que « le théâtre de Pasolini met à égalité le grand patron et l’ouvrier ». L’homme de théâtre, marqué très jeune par le monologue de la mère dans Bête de style, apprécie aussi « l’adossement » à la tragédie antique, présente dans l’œuvre dramatique de l’artiste italien. Il souligne aussi sa « langue construite, poétique et politique » et le fait que celle-ci oblige le spectateur à être actif. Nordey remarque malheureusement que Pasolini « effraie à la fois les directeurs de salle, qui craignent que les pièces soient trop difficiles, et les metteurs en scène, pour qui elles représentent de vrais défis ».
Avant Nordey, à la fin des années 1970, il arrive que certains artistes comme Georges Lavaudant avec Les Céphéides insèrent des textes de Pasolini dans leurs spectacles. Mais l’italien reste surtout une référence critique et intellectuelle, pas vraiment un matériau de création. Après Nordey, Arnaud Meunier et Jean Lambert-wild se sont néanmoins attaqués à la prose pasolinienne. Ce qui semble avoir le mieux guidé l’envie de ceux qui étaient alors de très jeunes metteurs en scène est le mot « résistance », dont Pasolini est encore un symbole puissant, à l’heure où la société est en proie aux pires inquiétudes quant à son devenir.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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