Alexander Vantournhout tourneboule les mots et les corps

Alors que Belgian rules/Belgium rules la dernière création de Jan Fabre n’a finalement pas été donnée à Martigues ce week-end, Actoral, le festival international des arts et des écritures contemporaines à Marseille a pu, heureusement, compter sur la jeune garde d’artistes belges et néerlandais dont fait partie Alexander Vantournhout qui invente dans Red haired men un post-théâtre de l’absurde où au délitement du langage s’adjoint la dislocation du mouvement.

On a découvert l’artiste d’une singularité étonnante d’abord seul en scène, dans Aneckxander, chaussé de gants de boxe et perché sur des semelles compensées, le corps long et dénudé exhibant son élasticité ; puis en duo, avec le comédien Scali Delpeyrat dans La Rose en céramique aux Sujets à vif du festival d’Avignon. Dans la Friche Belle de Mai à Marseille, Alexander Vantournhout présente en avant-première sa toute nouvelle création, cette fois d’une plus grande ampleur, à revoir par la suite en tournée.

Celui qui aime tant bouger, casser, les lignes et les postures, contorsionner ou déséquilibrer les corps, prend pour point de départ les bouts d’un texte sens dessus dessous, aussi lacunaire que cocasse de Daniil Harms. Cet auteur moderniste, dont la fable repose sur l’interchangeabilité et l’inconsistance des mots comme des individus, est né au début du XXe siècle dans la Russie tsariste et fut victime de la répression stalinienne jusqu’à sa mort en détention psychiatrique. Le spectacle, aussi inclassable et chamboulé que son inspirateur, emprunte son écriture à la danse contemporaine et aux mouvements circassiens. Il mêle le clown, l’acrobatie et la magie. Tout y apparaît constamment tourné et tourneboulé pour créer un ensemble déroutant qui semble vouloir conjurer un puissant sentiment d’aliénation.

Un homme debout sur une boîte blanche, qui s’apparente au socle d’une statue, se tient d’abord immobile puis, sautillant, perd un à un les vêtements et la perruque qu’il porte pour finir nu comme un vers sous le regard éberlué de ses comparses. Ruben Mardulier, Axel Guérin, Winston Revnolds et Alexander Vantournhout, quatre interprètes pleins d’élan, formidables d’exactitude et de vélocité, se livrent à des jeux méticuleux de doubles, d’apparitions, de substitutions. Les tableaux animés par un principe de répétition et de perturbation du geste tiennent de la parodie d’un défilé militaire ou d’un manège affolé au fil de variations sur la roue, la pirouette, le saut, le salto. Jusqu’au tournis, à l’épuisement, ils traduisent sur un mode très physique et ludique le caractère dérisoire de la condition humaine.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Red Haired Men
Chorégraphie et direction artistique Alexander Vantournhout
Création et interprétation Ruben Mardulier, Axel Guérin, Winston Reynolds et Alexander Vantournhout
Dramaturgie Kristof van Baarle
Regard chorégraphique Anneleen Keppens
Coach jeu d’acteur Jan Steen
Regard extérieur Geert Belpaeme et Lili M. Rampre
Intervenant magie Tim Oelbrandt
Constructeur Willy Cauwelier
Lumière et son Rinus Samyn / Bram Vandeghinste
Costumes Anne Vereecke

Production
Production NOT STANDING asbl
Coproduction Les 2 Pôles Nationaux des Arts du Cirque normands — La Brèche à Cherbourg et le Cirque – Théâtre d’Elbeuf I Vooruit I PERPLX I Les Subsistances I Manège, scène nationale – Reims.
Durée: 1h20

11-13/10/2018 CIRQUE-THÉÂTRE, ELBEUF (FR)
16 et 17 octobre – FAB à Bordeaux
22 et 23 octobre à Circa – Auch
25-26/10/2018 Vooruit, Gent (BE)
9 et 10 novembre 2018 – Festival international de danse contemporaine, Séville
Du 4 au 6 décembre 2018 – Maillon – Strasbourg
Mercredi 30 janvier 2019 – Prato – Lille
Vendredi 1 mars 2019 – Théâtre Forum Meyrin, Genève
Vendredi 15 mars 2019 -Festival Printemps, Théâtre de l’Arsenal, Val-de-Reuil (FR)
Samedi 16 mars 2019 – CDN, Rouen
Du 22 au 24 mars 2019 – Les Subsistances, Lyon
Mardi 26 mars 2019 – Ma Scène Nationale, Montbéliard