Au Théâtre de la Tempête, la mise en scène très appliquée de Nelson-Rafaell Madel ne parvient pas à restituer toute la profondeur du roman d’André Brink.
Dans sa note d’intention, Nelson-Rafaell Madel décrit Looking on Darkness d’André Brink comme un « véritable partenaire de vie », de ceux, sans doute, que l’on respecte trop pour oser se les approprier. C’est en tout cas le sentiment qui se dégage au sortir de son spectacle, Au plus noir de la nuit, que le metteur en scène a construit à partir du roman de l’écrivain engagé contre le régime de l’apartheid.
Histoire tragique d’un jeune homme noir poussé au meurtre de sa copine blanche, le texte avait pourtant tout d’une odyssée. Né dans une ferme sud-africaine, Joseph Malan a osé s’affranchir de l’ordre de sa mère, celui de « rester à sa place », pour se lancer dans un théâtre de combat. Devenu comédien à succès à Londres, il décide de retourner dans son pays natal pour mettre sur pied une troupe hétéroclite qui va enflammer les planches. A travers La Vie est un songe de Calderón, Antigone de Sophocle ou Hamlet de Shakespeare, le jeune metteur en scène brave les interdits et tente de conquérir une liberté que le pouvoir politique, confisqué par les Afrikaners, veut retirer à la population noire.
Las, Nelson-Rafaell Mandel opte pour un déroulé trop strictement narratif, sans parti-pris perceptible, pour convaincre. Du récit de son enfance aux barreaux de sa prison, le metteur en scène se fait pédagogique, voire didactique, dans son approche du parcours de Joseph Malan et ne met en valeur aucune aspérité claire pour en dégager un quelconque relief. Dans une mise en scène très frugale, où les jeux de lumière peu inspirés font office de décor, les comédiens se débattent avec un jeu appuyé, et même forcé, qui sclérose toute émotion. Sans démériter, Mexianu Medenou campe un jeune homme beaucoup trop lisse, engoncé dans une attitude trop scolaire au regard de la vie pavée de révoltes de son personnage.
Tout en simplicité, mais sans naturel, la performance des six comédiens en vient à sonner un peu faux. Régulièrement embarqués dans des moments chorégraphiés au langage particulièrement sommaire, ils semblent subir le texte au moins autant que ces danses – plus dignes d’une soirée un peu trop arrosée que d’un plateau de théâtre – jusqu’à vider leur prestation scénique non dénuée d’énergie de la majeure partie de son intérêt.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Au plus noir de la nuit d’après le roman Looking on Darkness d’André Brink
adaptation et mise en scène Nelson-Rafaell Madel
avec Adrien Bernard-Brunel, Mexianu Medenou, Gilles Nicolas, Ulrich N’toyo, Karine Pédurand, Claire Pouderoux
dramaturgie Marie Ballet
chorégraphie Jean-Hugues Mirédin
scénographie et lumières Lucie Joliot
musique Yiannis Plastiras
costumes Alvie Bitémo, Emmanuelle Ramu
assistanat à la mise en scène Astrid Mercier
son Pierre Tanguyproduction compagnie Théâtre des Deux Saisons en coproduction avec Tropiques Atrium – scène nationale de Martinique, le Centre culturel de La Norville (91) avec le soutien de la DRAC Martinique, du fonds d’aide aux échanges artistiques et culturels en outre-mer des ministères de la Culture et des Outre-mer, de l’Adami, des Plateaux Sauvages – Paris, de la Spedidam, d’Arcadi Île-de-France et du Théâtre de Cachan en coréalisation avec le Théâtre de la Tempête.
Durée : 2hDu 21 septembre au 21 octobre 2018
La Tempête – Salle Copi
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30 (le samedi 22 septembre à 17h30)
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