Kader Attou et Mourad Merzouki ont créé en juin 2018 à Montpellier Danse, Danser Casa, spectacle construit avec 8 danseurs recrutés au Maroc à Casablanca Il poursuit sa tournée et notamment dans la programmation des festivals Kalypso à Créteil et Shake à La Rochelle, deux festivals créés par Kader Attou et Mourad Merzouki. Les deux créateurs de la compagnie Accrorap avaient envie de se retrouver sur un projet commun pour transmettre leur expérience à de jeunes danseurs.
Qui sont ces danseurs ?
MM : On les a rencontrés lors d’une audition il y a deux ans à Casablanca. Ils étaient très nombreux, c’était la grande surprise. On ne connaissait pas l’impact du projet au Maroc. L’attente était grande. Le choix a été difficile, et les voici pour la première fois sur une scène devant un public.
KA : Leur vie au Maroc est souvent synonyme de « battle » dans plusieurs villes du Maroc. C’est une pratique du hip-hop autodidacte. Ils étaient 180 à l’audition, cela a été une vraie surprise. Il y a un vrai vivier et pendant deux jours on a vu des talents incroyables. On a été frustré de ne retenir que 8 danseurs.
MM : Si on avait pu, on en aurait sélectionnés beaucoup plus car au-delà de cette création, Danser Casa est un projet de transmission. On souhaite laisser des traces à ces danseurs pour qu’ils puissent se lancer dans leurs propres projets.
Ils sont dans un processus de professionnalisation, est ce qu’ils sont encore amateurs ou déjà professionnels ?
MM : C’est l’enjeu d’un projet comme celui-là. On a répété plusieurs semaines avec eux, tout au long d’une année. C’est une création, mais c’est aussi une formation. A l’issue de la longue tournée, ils pourront basculer dans le monde professionnel. On est bien conscient que le public voit un spectacle, il fallait donc être très exigeant avec eux. Ils se sont transformés. Et le public voit des pros qui s’inscrivent dans une création comme on peut le faire avec nos propres compagnies.
KA : II y a une vraie unité de groupe, c’est une troupe. Chacun mesure la chance qu’il a de faire partie de ce spectacle. Ils se donnent au public. C’est très touchant, ça nous rappelle nos débuts. Et j’espère que cela va développer le hip-hop au Maroc qui n’est pas très présent par rapport à la danse contemporaine.
Est-ce que cela signifie qu’il y a un a priori sur le hip-hop, considéré comme la danse de la rue ?
MM : Mais c’est le cas dans la plupart des pays du Monde ! Il n’est pas encore reconnu comme c’est le cas en France. On aimerait qu’il y ait une suite et que l’on puisse imaginer des passerelles entre le Maroc et la France pour continuer de développer le hip-hop.
Vous avez débuté votre carrière ensemble, vos chemins se sont séparés, est ce que vous avez retrouvé les sensations de vos débuts avec ce projet ?
KA : Nos vies artistiques se sont éloignées, mais on est toujours en contact. En 2003 on s’était trouvé sur un projet similaire en Algérie qui s’appelait Mekech Mouchkine et se retrouver 15 ans plus tard avec un projet autour du Maroc a été un vrai plaisir.
MM : On ne perd pas la fraîcheur du début. C’est beau de se retrouver car on défend la même chose, avec les mêmes préoccupations, les mêmes doutes, les mêmes peurs. C’est une manière de faire un point d’étape avant de repartir sur d’autres projets. Deux CCN qui travaillent main dans la main pour faire d’un projet existe dans un autre pays, c’est montrer qu’ensemble on est plus fort.
Danser Casa n’est pas uniquement un spectacle de hip-hop, il fait aussi référence à la forte tradition circassienne du Maroc, avec une pratique très rependue de l’acrobatie dans la rue.
KA : Il y a certains danseurs qui viennent du cirque. On a donc aussi des hommes volants sur le plateau qui défient la loi de la gravitation. Mais le hip-hop se nourrit de beaucoup de techniques, c’est sa force.
MM : La scène circassienne au Maroc est très importante. Et on est ravi que voir quand les circassiens de mettent au hip-hop et l’inverse. Kader et moi avons commencé par le cirque avant d’être danseurs. On savait que l’apport des acrobaties allait être complémentaire de la danse.
Que peut-on dire de Danser Casa, est qu’il y a un peu de votre histoire, de leur histoire ?
KA : C’est un mélange de plein de choses. C’est la leur, c’est la nôtre. C’est avant tout une rencontre humaine extrêmement forte. Ce sont des rêves qui deviennent réalité et l’on se dit que l’on pourra peut-être faire danser plusieurs autres villes du Monde.
MM : On est parti de ce qu’ils sont, de leur énergie, de leur culture. Et on partage avec eux ce que l’on a appris, en leur amenant nos influences. On a écrit le spectacle à partir de l’énergie de cette ville, Casablanca et de ces danseurs. On apprend de l’autre, on apprend de ce pays. Et là particulièrement alors que le regard sur le monde arabe n’est pas le meilleur de ce côté-ci de la Méditerranée. On est très heureux de montrer ce regard positif sur cette jeunesse marocaine.
Le hip-hop ne s’est jamais aussi bien porté en France, un troisième Centre Chorégraphique sera dirigé l’année prochaine à Rennes par le collectif FAIR[E] composé de Bouside Aït-Atmane, Iffra Dia, Johanna Faye, Céline Gallet, Linda Hayford, Saïdo Lehlouh, Marion Poupinet et Ousmane Sy. Etes-vous heureux de l’arrivée de cette nouvelle génération ?
MM : Quand on a été nommés cela a déjà été un signe fort de reconnaissance de la part de l’Etat. Nos nominations ont permis de changer le regard sur le hip-hop, et de voir que la relève est accompagnée, c’est un très bon signe.
KA : Je suis fier. Nous sommes des passeurs pour d’autres générations. J’attendais cela depuis ma nomination, c’est le cas à Rennes et nous serons très attentifs pour les accompagner au mieux.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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