Clément Hervieu-Léger est devenu le 1er janvier 2018 le 533e sociétaire de la Comédie-Française. Le comédien se tourne de plus en plus vers la mise en scène. Cette année il a créé au Théâtre National de Strasbourg, Le Pays lointain de Jean-Luc Lagarce et il met en scène actuellement dans la salle Richelieu, L’Éveil du printemps de Frank Wedekind jusqu’au 8 juillet 2018. Il a été le collaborateur de Patrice Chéreau pour ses mises en scène de Così Fan Tutte de Mozart (Festival d’Aix-en-Provence, Opéra de Paris) et de Tristan et Isolde de Wagner (Scala de Milan). Il a demandé à l’équipe artistique de Patrice Chéreau de l’accompagner pour cette création, permettant enfin à Richard Peduzzi de réaliser sa première scénographie à la Comédie-Française. Rencontre avec le metteur en scène.
Pourquoi monter la pièce de Wedekind dans son intégralité ?
J’avais envie d’un spectacle de troupe, ils sont 23 en scène, c’est aussi la chance de cette maison de pouvoir offrir ce genre de spectacle, avec des acteurs magnifiques – y compris dans des rôles secondaire. Quand L’Éveil du Printemps est monté, on se focalise sur les adolescents, et ce n’est pas forcément juste. Wedekind s’intéresse à eux individuellement, mais il s’intéresse aussi au groupe. Sa lecture est sociologique, un groupe se constitue par rapport à une autre groupe, il était important que tout le monde soit représenté.
C’est une pièce de la fin du 19ème avec des thématiques qui sont dans l’actualité.
Elle est en avance, c’est le propre des grandes œuvres. Elle nous parle des adolescents de manière très contemporaine et Wedekind n’évite aucun sujet tabou. Il parle de manière crue et frontale de la sexualité, du sadomasochisme, de l’homosexualité, de la masturbation, du suicide, de l’avortement. Même si on a le sentiment que c’est plus facile aujourd’hui, ces sujets restent difficile à aborder pour la jeunesse.
Vous êtes-vous remis dans la peau d’un adolescent ?
Wedekind nous y oblige. Et j’espère qu’il oblige chaque spectateur à rouvrir cette parenthèse que l’on prend soin de refermer. Cette période n’a pas toujours été agréable, on a tendance à l’idéaliser. Avec cette pièce on est contraint d’aller s’y replonger. Je n’ai pas pu en faire l’économie en tant que metteur en scène.
Y-a-t-il une émotion particulière de participer à l’entrée d’une pièce au répertoire ?
C’est émouvant car c’est à la fois l’entrée de l’œuvre et du de l’auteur. Elle méritait amplement d »être au répertoire de la Comédie-Française. Elle est d’une telle acuité sur notre monde, sur notre société, sur un certain âge de la vie.
Y-a-t-il une émotion également de partager cette création avec une partie de l’équipe de Patrice Chéreau ?
Avec Patrice Peduzzi, Caroline de Vivaise et Bertrand Couderc, on a travaillé ensemble avec Patrice Chéreau pour le Cosi à Aix. On avait besoin de continuer ensemble le dialogue avec Patrice pour lui rendre tout ce qu’il nous a appris. C’est un bel hommage.
Et enfin une scénographie de Richard Peduzzi à la Comédie-Française !
C’est la bonne pièce pour cela. L’univers lui correspond. Il possède une science de l’espace et c’est un grand peintre. Les grands maîtres ce sont aussi les scénographes, les costumiers, les auteurs. Il fait partie de ce Panthéon. Cette boîte, ce jouet d’enfant qu’il a imaginé devient une sorte d’espace mental. Quand on est adolescent on a parfois le sentiment d’être enfermé entre quatre murs et on en envie de faire bouger l’espace, c’est ce que l’on a souhaité avec ce décor.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
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