Au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Anne Kessler expose en pleine lumière le combat à mort d’un trio amoureux.
Extirpé de la grisaille nordique et de ses ombres en clair-obscur, le drame glaçant d’August Strindberg trouve pour cadre un salon exigu et économe, surplombé d’une grande baie, étonnamment baigné d’une lumière chaude et solaire. Cette sirupeuse clarté viendrait presque adoucir l’éclat agressif des fiévreux déchirements psychologiques auxquels se livrent les protagonistes.
Gustav, homme d’âge mur et fin stratège, et Adolf, jeune artiste maudit sont pris au piège d’un noir ressentiment. Ils ont épousé successivement la même femme qui, a des années d’intervalle, semble leur échapper. Elle s’appelle Tekla et s’apparente à un pur objet de désir, de fascination, sous les traîtres charmes d’Adeline d’Hermy à l’attitude mutine et enfantine. Elle est aussi séductrice que dominatrice. Didier Sandre dissimule derrière une élégance dandy frôlant la préciosité nonchalante un redoutable besoin de vengeance et de démolition. Face à lui Sébastien Pouderoux campe avec sensibilité un être chétif, souffreteux, dans un grand corps d’homme viril et séduisant. Ils forment un excellent trio d’acteurs.
En trois tableaux qui fonctionnement comme trois confrontations acérées et musclées, le dramaturge exprime sa souffrance morale et la dépression causée par sa relation litigieuse avec sa première femme Siri von Essen. Il cultive une bile noire et un terrible sentiment d’abandon. Sonne l’heure des règlements de compte dont la cruelle férocité semble se tapir dans la joliesse raffinée de la mise en scène d’Anne Kessler. Sociétaire au français, elle a pourtant plus d’une fois confirmé ses affinités avec le théâtre nordique. Elle livre une lecture sobre et élégante de la pièce de Strindberg où elle accorde peut-être un peu trop d’empathie et de compréhension aux personnages pour les éclairer finalement sans assez d’âpreté.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Les Créanciers
d’August Strindberg
Mise en scène : Anne Kessler
Adaptation : Guy Zilberstein
Traduction : Alain Zilberstein
Scénographie : Gilles Taschet
Costumes : Bernadette Villard
Lumières : Eric Dumas
Son : mme miniature
Avec
Adeline d’Hermy
Sébastien Pouderoux
Didier SandreDurée 1h20
Studio de la Comédie-Française
Du 31 mai au 8 juillet 2018
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