En adaptant au théâtre Le Procès de Kafka, Krystian Lupa a signé un spectacle hors du commun, une expérience humaine exigeante et fascinante qui, même exagérément longue et digressive jusqu’à la confusion, dit avec effroi la prescience d’une terrible dévastation alors que le monde a dépassé les limites de l’absurde. Kafka inspire les arts de la scène. Brontis Jodorowsky reprend au Lucernaire Le Gorille, un spectacle qu’il a créé en 2010. Une adaptation de la nouvelle Rapport pour une académie.
Les scènes françaises connaissent des « périodes Kafka ». Les années 1980 ont été particulièrement florissantes. Alors que le Centre Pompidou accueille Le Siècle Kafka, le théâtre de la Bastille reçoit Le Gardien du Tombeau mis en scène par Jean-Marie Patte, avant Description d’un combat d’après le Journal de Kafka par Jean-Claude Fall. A la même période, le Journal inspire Philippe Adrien qui en tire Rêves au Théâtre d’Ivry. Ce dernier s’était déjà intéressé à l’auteur en 1980, en mettant en scène Une visite de l’Amérique. Toujours à cette époque, Michaël Lonsdale travaille sur Première Fiançailles au Théâtre Paris-Villette et, à la fin de la décennie, le Théâtre du Gymnase accueille une adaptation de La Métamorphose par Yasmina Reza avec, en vedette, Roman Polanski, c’est l’événement !
Dans les années 1990, la seule mise en scène d’envergure d’une œuvre kafkaïenne est signée Dominique Pitoiset qui s’attaque au Procès, en 1996 au Théâtre de la Ville. Ce n’est que depuis le milieu des années 2000 que l’auteur est de nouveau adapté sur les planches, presque chaque année : Jean Lambert-wild, Thibaud de Montalembert, Sylvain Maurice et même Alejandro Jodorowsky s’y sont attaqué avec plus ou moins de succès.
Mais, le premier à avoir élevé Kafka au théâtre à Paris c’est Jean-Louis Barrault. Dès 1947 au Marigny, celui-ci met en scène Le Procès à partir d’une adaptation d’André Gide. Malgré une certaine incompréhension qui découlera des multiples partis pris techniques et dramatiques que choisi l’artiste, le spectacle connaîtra plusieurs reprises jusque dans les années 1960. En 1957, Barrault crée Le Château au théâtre Sarah Bernhard, puis L’Amérique à l’Odéon en 1965. Certains historiens de la littérature attribuent l’éclosion de Kafka dans le paysage livresque français en partie grâce aux mises en scène de Jean-Louis Barrault. Plus de 70 ans après la première, l’« angoisse métaphysique » kafkaïenne a encore de beaux jours sur scène devant elle !
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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