Depuis plus de vingt ans, Brigitte Seth et Roser Monttló Guberna développent au sein de leur compagnie Toujours après minuit un théâtre dansé qui questionne la relation à l’Autre. Plus que la transidentité dont il est question, À vue traduit un essoufflement.
Depuis la création de leur compagnie Toujours après minuit en 1997, les chorégraphes, metteurs en scène et interprètes Brigitte Seth et Roser Monttló Guberna mettent leur duo à l’épreuve de différents thèmes. Seules ou avec d’autres interprètes, elles se frottent à des mots, à des sonorités qui les pousse à se réinventer sans cesse. Dans Sisters, créé dans le cadre des Sujets à vif du Festival d’Avignon 2016, la première partageait le plateau avec la danseuse, chorégraphe et comédienne d’origine jamaïquaine Elsa Wolliaston, tandis que la seconde signait la dramaturgie. Dans ¡ Esmérate ! (fais de ton mieux!) (2017), elles composaient avec six autres interprètes et des textes d’Élisabeth Gonçalves une mosaïque de gestes et de dialogues où elles questionnaient la possibilité du bonheur.
À vue s’inscrit dans cette démarche. Dans cette pièce consacrée au changement de genre, les deux artistes partagent leur univers avec Sylvain Dufour, engagé dans une recherche de danse-théâtre proche de la leur, et avec l’auteur Jean-Luc A. d’Asciano. L’alchimie, hélas, n’opère pas. Dans leur « Tentative pour échapper aux appartenances prescrites et dire non à la tyrannie des apparences », Brigitte Seth et Roser Monttló Guberna échappent avec peine au militantisme, sans trouver d’autre voie.
Dès le début de leur traversée des apparences, elles naviguent à vue. Tandis que Sylvain Dufour, déguisé d’une robe et d’une perruque blonde arpente le côté jardin du plateau aménagé en salle d’attente, Brigitte et Roser attifées en garçons jouent une scène à la Kafka. C’est un entretien d’embauche, où l’un.e apprend à l’autre comment humilier les personnes qu’il.elle aura à recevoir. La danse ne rencontre pas le dialogue absurde. Elle ne le transforme pas. La métamorphose, dans À vue, est un thème qui ne trouve pas sa forme.
Le doute, l’errance des interprètes d’une discipline à l’autre aurait pu être la matière première de cette pièce qui se « concentre sur l’endroit du passage, de la liaison, de l’échappée qui permet au corps de trouver le mode d’expression intrinsèquement lié à son état ». Ils apparaissent plutôt comme des aveux d’échec face à un sujet très en vogue au théâtre depuis quelques temps, qui a donné lieu à quelques spectacles marquants. Pourama Pourama de Gurshad Shaheman par exemple, que l’on peut revoir au Nouveau Théâtre de Montreuil du 8 au 17 mars 2019, et Orphée aphone de Vanasay Khamphommala, du 11 au 15 mars aux Plateaux Sauvages. Deux artistes qui font ce que la compagnie Toujours après minuit échouent à réaliser : mêler les disciplines pour faire de la scène un espace de toutes les transformations. De tous les dérèglements.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
À vue
Mise en scène et chorégraphie : Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth
Texte : Jean-Luc A. d’Asciano
Avec : Sylvain Dufour, Roser Montlló Guberna, Brigitte Seth
Scénographie : Emmanuelle Bischoff
Musique et vidéo : Hugues Laniesse
Lumières : Guillaume Tesson
Costumes : Sylvette Dequest
Perruques : Sylvain Dufour
Assistanat à la mise en scène : Jessica Fouché
Administration : Véronique Felenbok.
Coproduction : la Cie Toujours après minuit, le Centre Chorégraphique National de Tours / direction Thomas Lebrun, les Subsistances à Lyon, le Théâtre Gérard Philipe de Champigny
Avec le soutien de l’Usine Hollander/Cie la Rumeur de Choisy-le-Roi, l’ADAMI en coréalisation avec le Théâtre de la Tempête.
Durée : 1h15
Théâtre de la Tempête
Du 12 au 23 février 2019
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