Privé de scène suite à un lourd incident technique survenu il y a plusieurs semaines à l’Opéra Bastille, le rédempteur wagnérien fait son grand retour sans totalement combler les attentes.
Pour quatre représentations seulement, il faudra aller applaudir la nouvelle production parisienne du Parsifal de Wagner pour son luxueux plateau vocal. Le chant comme l’incarnation y sont portés à leur excellence par les meilleurs titulaires actuels des rôles principaux. Andreas Schager et Anja Kampe font des débuts certes tardifs mais admirables sur la scène de l’Opéra de Paris. Ils possèdent tous les deux une présence scénique et une puissance vocale absolument impressionnantes, lui en Parsifal toujours juvénile, impulsif et touchant, elle en Kundry ardente et mystérieuse. A leurs côtés, Peter Mattei est un Amfortas au chant soyeux et douloureux qui confère au personnage une bouleversante humanité. Evgeny Nikitin s’amuse à camper un Klingsor malsain à souhait. Günther Groissböck fait un bon Gurnemanz mais sans grand relief et au volume parfois déficient. Ils sont accompagnés d’un chœur et d’un orchestre qui sculptent, au fil des saisons et notamment après plusieurs séries du Ring sous la conduite du directeur musical Philippe Jordan, un Wagner sans emphase qui se caractérise moins par la densité et le bouillonnement que par une clarté toute transparente, des couleurs sereines et des nuances chambristes qui donnent une dimension éthérée, méditative, à la dernière œuvre particulièrement spirituelle du compositeur.
La mise en scène de Richard Jones fait suite, sans l’égaler, à la très forte vision proposée par Krzysztof Warlikowski en 2008 et jamais remontrée depuis. Une idée leur est commune : le royaume mortifère de Monsalvat s’apparente à une secte sur le déclin. Ici, Parsifal prend pour cadre un grand établissement old school plutôt défraîchi où les chevaliers sont de jeunes disciples uniformément habillés en jogging gris aux insignes de leur confrérie. Munis d’une masse livresque bleue servant de bible inséparable, tous observent le silence et l’étude à la bibliothèque, la cuisine ou la salle de l’office présentées en enfilade sur un plateau coulissant. Si le rituel est bien présent, il est « déchristianisé ». Le metteur en scène ne renonce pas aux principaux motifs que sont le Graal, la lance, l’inguérissable plaie, l’onction des pieds etc… mais joue par ailleurs sur un propos critique et distancié, plus trivial que sacré.
Malgré les évidentes qualités de lisibilité de l’œuvre et du point de vue défendu, la réalisation demeure assez plate quand elle ne s’avère pas tout simplement absente. Après les frétillements de filles-fleurs de carnaval plus kitsch que tentatrices exhibant leurs fesses et mamelles postiches dans l’étroitesse de leurs corolles végétales, tout l’acte central se fige dans un trop simple carré de lumière blanche sur le grand plateau noir et nu de la Bastille. Et là, même l’incandescence absolue des interprètes ne suffit pas à pallier le vide, le manque de force et de volupté. La fin s’offre étonnement comme celle d’une déviation spirituelle, où Parsifal aveugle conduit hors des murs les adeptes vers un ailleurs incertain. Pour eux comme pour nous, l’éblouissement se mêle au scepticisme.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr – critique à la création en mai 2018
Parsifal
Richard Wagner (1813-1883)
En langue allemande
Surtitrage en français et en anglaisDirection musicale :
Simone Young
Distribution 2022
Amfortas :
Brian MulliganTiturel :
Reinhard HagenGurnemanz :
Kwangchul YounKlingsor :
Falk StruckmannKundry :
Marina PrudenskayaParsifal :
Simon O’NeillErster Gralsritter :
Neal CooperZweiter Gralsritter :
William ThomasVier Knappen :
Tamara Banjesevic
Marie-Andrée Bouchard-Lesieur
Tobias Westman
Maciej KwaśnikowskiKlingsors Zaubermädchen :
Tamara Banjesevic
Marie-Andrée Bouchard-Lesieur
Claudia Huckle
Kseniia Proshina
Andrea Cueva Molnar
Ramya RoyEine Altstimme aus der Höhe :
Claudia HuckleOpéra Bastille
du 24 mai au 12 juin 2022
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