Marguerite Duras est, dans le savoir collectif, d’abord une romancière. Mais sa carrière dramatique a toujours existé en parallèle de sa carrière livresque. Aujourd’hui, des metteurs en scène continuent de montrer son œuvre, à l’image de Michel Didym avec Les Eaux et des Forêts dont la tournée se poursuit à partir de l’automne ou Jacques Weber qui va mettre en scène La Musica deuxième de Marguerite Duras au Petit Saint-Martin avec Grégory Gabebois et Stéphane Caillard.
Mais qu’est-ce que le théâtre de Duras ? En 1988, Liliane Papin publie une monographie sur ce sujet. Selon elle il y a, dans ce théâtre, une rupture complète avec le réalisme scénique, notamment par la création de personnages qui n’ont pas d’ancrage dans le monde réel, tel l’Interrogateur dans L’Amante anglaise. Plus généralement, à propos des personnages, le public est souvent confronté à des figures dont la motivation reste floue. Autre point important des écrits dramatiques de Duras, l’amour : le couple de personnages est récurrent. Mais l’amour n’est pas seulement thématique, il participe à la construction même des pièces.
Marguerite Duras débute sa carrière d’auteure de théâtre en adaptant son roman Le Square pour la scène du Studio des Champs-Élysées en 1956. Bien que la majorité de ses pièces soient des textes originaux, elle continuera d’adapter ses écrits ou ses films pour la scène, avec notamment Des journées entières dans les arbres et Vera Baxter. Elle adapte aussi d’autres auteurs, William Gibson, David Storey et bien sur Henry James pour La Bête dans la jungle en 1981.
Comme dans sa production littéraire, elle retravaille sans cesse ses textes de théâtre au fur et à mesure qu’ils sont montés par elle ou par d’autres. Elle transforme Les Viaducs de la Seine et Oise en L’Amante anglaise. Savannah Bay est publiée en 1982 puis est de nouveau mise en rayon l’année suivante sous la forme d’une « édition augmentée ». En 1985, elle écrit La Musica deuxième, comme une suite de La Musica vingt ans après. Pour travailler ce texte, elle est au contact quotidien de Miou-Miou et Sami Frey qui en incarnent les personnages, faisant, en quelque sorte « de l’écriture de plateau ».
Car il est arrivé que Marguerite Duras mettre en scène ses propres pièces, bien qu’il puisse s’écouler vingt ans entre deux de ses créations. Après Yes, peut-être et le Shaga en 1968, elle ne reprendra cette activité qu’en 1983 avec Savannah Bay au Théâtre du Rond-Point avec Madeleine Renaud et Bulle Ogier. L’auteure qualifie la mise en scène de « mise en littérature ». Elle n’est pas pour autant avare de consignes données aux acteurs, avide de didascalies, elle dit dans une interview peu avant la première de La Musica deuxième qu’il n’y a qu’elle pour « mettre en scène [ses] pièces, quand les autres le font, ce sont des erreurs ». Un jugement qui s’appliquait peut-être à un certain nombre de gens de métier, mais certainement pas à Claude Régy, qui a monté, avec son aide, L’Amante anglaise plusieurs fois jusqu’en 1989, mais aussi L’Eden cinéma. Ensemble, ils questionnaient jusqu’au jeu des comédiens, ils cherchaient une sorte de transparence dans le jeu pour ne pas nuire à la force du texte. Une quête d’évidence au-delà des mots. Est-ce cela le théâtre de Marguerite Duras ?
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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