A 93 ans, Peter Brook continue de mettre en scène. Il présente en ce moment à Paris aux Bouffes du Nord avec Marie-Hélène Estienne, The Prisoner. Un conte dont il a le secret, avec peu de mots et peu d’effets. Rencontre avec les deux acolytes.
L’œil est toujours vif, pétillant, malicieux. Peter Brook n’a pas fini de nous étonner. Il est une sorte de griot blanc avec toujours plein d’histoires à nous raconter. Cette dernière, il est allé la puiser dans une image restée dans un coin de sa mémoire. Celle d’un homme rencontré il y a 50 ans en Afghanistan, un prisonnier purgeant sa peine à l’extérieur d’une prison. Il n’a jamais rien su de son délit. Alors il a imaginé qu’il aurait pu tuer son père incestueux. « Il fallait que ce soit un crime terrible qui touche tout le monde. Toutes les relations incestueuses sont à la base du crime. Cela touche au plus grand mythe de la tragédie grecque ». Ce projet aurait pu devenir un film, il est resté dans les cartons. Il est ressorti il y a trois ans lorsque Marie-Hélène Estienne retrouve plusieurs synopsis et imagine cette histoire en remémorant aussi ses propres histoires « Je me souviens avoir vu en Turquie un homme savant qui a tué son père, il a été exilé. Ce que l’on croise dans notre vie sert de base à tous nos spectacles ».
Le théâtre de Peter Brook permet de découvrir des acteurs que l’on pas l’habitude de voir sur les scènes françaises. C’est encore le cas avec The Prisoner avec Hiran Abeysekera venu Sri Lanka et Kalieaswari Srinivasan née en Inde que l’on a pu voir dans le film de Jacques Audiard, Dheepan qui a reçu la Palme d’Or à Cannes en 2015. Peter Brook continue d’être un infatigable défricheur de talents, avec la complicité de Marie-Hélène Estienne qui trouve ces comédiens sur les scènes anglo-saxonnes, là où la couleur de peau n’est pas un handicap. Et ce besoin depuis toujours de montrer sur un plateau le monde tel qu’il est, c’est une façon de faire de la politique pour Peter Brook. « Faire du théâtre politique, c’est ridicule, c’est prétentieux. Mais réunir des gens de cultures différentes autour d’un même thème alors cela permet de transgresser toutes les barrières qui coupent notre monde en petits morceaux ».
Le théâtre de Peter Brook, c’est l’espace du vide, c’est ainsi qu’il le nomme. Cette dernière création est à contre-courant du théâtre d’aujourd’hui. Epurée, fragmentée, à l’économie. « Trop de paroles, trop d’images, il faut s’élever et arriver au silence » dit-il avec malice. Alors quand on lui demande ce qu’il pense du théâtre d’aujourd’hui, Peter Brook botte en touche. « Ce n’est pas mon affaire ! ».
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
The Prisoner
Texte et mise en scène Peter Brook et Marie-Hélène Estienne
Lumières Philippe Vialatte
Musique Franck KrawczykAvec Hiran Abeysekera, Ery Nzaramba, Omar Silva, Kalieaswari Srinivasan et Sean O’Callaghan
Production C.I.C.T – Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction National Theatre London, The Grotowski Institute, Yale Repertory Theatre, Theatre For A New Audience – New York, (en cours)…
Durée: 1h15Théâtre des Bouffes du Nord
Du 6 au 24 mars 2018
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