Depuis 25 ans, le Théâtre Dromesko offre dans sa baraque de bois un cirque forain au charme singulier et intemporel. Sous l’œil et le grand bec de leur vieil oiseau-mascotte, Le dur désir de durer, est une fête macabre des plus réjouissantes.
C’est une vierge naine qui ouvre le cortège du nouveau spectacle du Théâtre Dromesko. Sur un autel ambulant d’où dépassent souliers et pantalons noirs, le buste encastré dans un petit autel fleuri où trônent quelques crânes, la dame installe d’emblée l’ambiance baroque caractéristique de la compagnie fondée par Igor et Lily Dromesko en 1990. Son art du tableau vivant et contrasté, où le rire finit par ressembler aux larmes comme les artistes en viennent parfois à adopter l’allure de l’oiseau-mascotte présent dans tous les spectacles de la troupe. Un marabout de quarante ans, touche d’exotisme dans un univers du tout-monde. La vierge siffle dans son crucifix, se lance dans un chant espagnol et c’est parti : le cortège du Dur désir de durer (après-demain, demain sera hier) se met en route. Plein de défunts et de vivants en sursis.
Vieux couple, jeunes filles en fleurs, malades dans leur lit d’hôpital, hommes en proie à une logorrhée existentielle ou encore violoncelliste en charriot et orchestre de pierrots aux airs égarés… Au milieu de la petite baraque en bois historique du Théâtre Dromesko arrangée en espace bi-frontal, les créatures qui défilent semblent prendre la suite de celles du précédent spectacle d’Igor et Lily : Le Jour du Grand Jour (2014), où se succédaient dans un pêle-mêle surréaliste toutes sortes de cérémonies. Du baptême à l’enterrement, en passant par le mariage et toutes sortes de rituels rythmant une vie.
Tous marqués du sceau onirique de Dromesko, les personnages qui traversent la piste de gauche à droite tout au long du spectacle sont incarnés par les mêmes artistes que ceux Jour du Grand Jour. Avec les deux fondateurs de la compagnie, les danseurs, musiciens et comédiens Guillaume Durieux – aussi auteur des textes des deux pièces –, Violeta Todó-González, Florent Hamon, Zina Gonin-Lavina, Revaz Matchabeli, Olivier Gauducheau et Jeanne Vallauri continuent ainsi d’explorer les possibles offerts par leur dispositif en se concentrant sur un seul type de sacrement. Celui qui concerne le passage vers l’au-delà. Sans être beaucoup plus sombre que la pièce précédente – chez les Dromesko comme chez les Mexicains, la mort aussi est une fête –, Le Dur désir de durer met en avant la précarité de l’espace-temps scénique. Le risque de voir s’effondrer corps et décors au moindre souffle. À la plus petite perturbation.
Le carnaval mortuaire se fait alors parabole. Luttant pour retarder leur disparition du côté droit de la scène, hommes et animaux disent à leur manière belle et étrange la fragilité du vivant. Ainsi que celle du monde actuel régi par la performance. Et traversé par de tragiques flux migratoires auxquels on finit forcément par penser, surtout lorsqu’un vent à débecqueter le marabout se met à souffler. Les Dromesko peuvent bien emprunter leur titre à Éluard. Leur cirque sans acrobaties a la force et la poésie qu’il faut.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
LE DUR DÉSIR DE DURER (Après-demain, demain sera hier)
conception, mise en scène et scénographie Igor et Lily
textes : Guillaume Durieux
jeu / danse Lily, Igor, Guillaume Durieux, Violeta Todό-González, Florent Hamon, Zina Gonin-Lavina, Revaz Matchabeli, Manuel Perraudin, Jeanne Vallauri
interprétation musicale Revaz Matchabeli (violoncelle), Lily (chant), Igor (accordéon)
construction décor Philippe Cottais
costumes Cissou Winling / lumière Fanny Gonin
son Philippe Tivillier
régie plateau Manuel Perraudin
visuel et conception graphique Lily
photographie Fanny Gonin
Production : Théâtre Dromesko / Coproduction : Théâtre National de Bretagne – Rennes / Coréalisation Le Monfort – Théâtre de la Ville-Paris / Cie subventionnée par : DRAC Bretagne Ministère de la Culture et de
la Communication, Rennes Métropole, Conseil Régional de Bretagne, Conseil Général d’Ille et Vilaine. avec l’aide de la SPEDIDAM
durée 1h30du 9 au 13 avril 2019 à 19h30 et 20h30
LA MC2 de Grenobledu 21 au 25 mai 2019 à 20h00
TNB
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