Lointainement inspirée de la célèbre pièce de Frank Wedekind dont elle reprend le titre, L’Éveil du printemps de Aïat Fayez est une fable située entre la Terre et la planète imaginaire de Platonium. Alain Batis s’en empare avec une élégance formelle qui ne suffit pas à poétiser le rapport à la différence abordé par l’auteur.
Entre Platonium et la Terre, les relations sont tendues. Avec leur station spatiale placée en orbite de leur planète, les humains inspirent aux habitants la planète imaginée par Aïat Fayez un mélange de méfiance et d’envie. Que font ces êtres au teint blanc au-dessus de leurs têtes bleues ? Les étudient-ils pour leur bien ou au contraire, pour exploiter leurs ressources ? Le jeune auteur, dont la bibliographie compte déjà huit textes dramatiques et trois romans parus chez P.O.L, résume cette situation en quelques phrases simples : celles qu’échangent l’adolescent A (Nassim Haddouche), le personnage principal, et un de ses amis (Geoffrey Dahm) dans la première partie de sa pièce. Une fois posé ce contexte fantastique, L’Éveil du printemps emprunte en effet de manière assez classique la voie du récit d’initiation. Avec ses épreuves, ses doutes et ses premiers amours.
Avec cet entre-deux mondes, Aïat Fayez offre à la mise en scène une large marge de liberté où s’aventure Alain Batis après avoir monté deux textes de Maurice Maeterlinck, La Princesse Maleine (2013) et Pelléas et Mélisandre (2015). L’inquiétante étrangeté est son domaine, qu’il arpente avec les comédiens de sa compagnie La Mandarine Blanche et à l’aide de matériaux multiples. Les belles vidéos de Mathias Delfau en l’occurrence, où un réalisme brut côtoie un onirisme aux accents psychédéliques, ainsi que les sonorités électros de Cyriaque Bellot. Sur un plateau presque nu, où quelques meubles sans cesse déplacés suffisent à dessiner des espaces divers, l’ensemble s’agence de manière élégante. Sans toutefois créer le trouble ou la poésie qui aurait permis de transcender la dimension moraliste de la fable.
Organisés en 41 séquences bien rythmées, le quotidien de A à Platonium et son arrivée sur Terre dans la seconde partie de la pièce, où il tente de se fondre dans la masse des étudiants d’une université, servent en effet une réflexion très appuyée sur la différence et l’accueil de l’étranger en France. Seul garçon à la peau bleutée de sa fac, A suscite toutes les réactions typiques du racisme ordinaire. Le mépris chez Maurice (Mathieu Saccucci), la curiosité érotique chez Anna (Pauline Masse), la fausse indifférence chez leurs camarades… Cela dans une langue simple à l’extrême, avec des comportements caricaturaux que les comédiens s’approprient avec plus ou moins de bonheur. En incarnant des figures qui s’approchent parfois du personnage, mais sans atteindre la complexité nécessaire.
Nous sommes loin de Frank Wedekind, à qui Aïat Fayez ose emprunter le titre d’une pièce célèbre de 1891. Plus loin encore que les habitants de Platonium ne le sont des humains dans le texte d’Aïat Fayez. Cet Éveil du printemps déçoit d’autant plus que récemment, la jeune metteure en scène Tiphaine Raffier a prouvé avec France-fantôme – en tournée, notamment du 31 janvier au 10 février au TGP à Saint-Denis – le potentiel de la science-fiction en matière théâtrale.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
L’Eveil du printemps
Auteur : Aïat Fayez
Mise en scène : Alain Batis
Avec : Emma Barcaroli, Geoffrey Dahm, Nassim Haddouche, Pauline Masse, Mathieu Saccucci
Scénographie : Sandrine Lamblin
Musique : Cyriaque Bellot
Lumière : Jean-Frédéric Béal
Vidéo : Mathias Delfau
Costumes : Jean-Bernard Scotto et Cécilia Delestre
Perruques et maquillages : Judith Scotto assistée de Maurine Badassari
Régie lumières et générale : Nicolas Gros
Régie son et vidéo : Gaultier Patrice
Production : La Mandarine BlancheEn coproduction avec : Le Carreau – Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan, le grand R – Scène nationale de La Roche-sur-Yon, le Théâtre Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois, le Théâtre Madeleine-Renaud de Taverny
En partenariat avec La Courée – Centre Culturel de Collégien, le Créa de Kingersheim, l’Espace Bernard-Marie Koltès – Théâtre du Saulcy de Metz, la Ville et l’Espace Molière de Talange Avec le soutien de l’Agence Culturelle d’Alsace, du Théâtre Louis Jouvet de Rethel- Scène conventionnée des Ardennes
En Coréalisation avec le Théâtre de l’Épée de Bois Avec le soutien dela Spedidam Le texte est lauréat de la Commission nationale d’Aide à la création de textes dramatiques –ARTCENA Il a fait l’objet d’une prime d’inédit et d’une création radiophonique de France Culture Aiat Fayez est représenté par L’Arche, agence théâtrale. www.arche-editeur.com La compagnie La Mandarine Blanche est conventionnée par la DRAC Grand Est – Ministère de la Culture et de la Communication. Elle est conventionnée par la Région Grand Est pour la période de 2015 à 2017.
Durée: 1h30Dates tournée 2018
Théâtre de l’Épée de Bois (75)
Du 15 janvier au 14 février, puis du 21 au 25 févrierLe Grand R, scène nationale de La Roche-sur-Yon (85)
Les 23 et 24 janvierFestival MOMIX, Kingersheim (68)
Le 3 févrierThéâtre Jacques Prévert, Aulnay-sous-Bois (93)
Le 16 févrierEspace Bernard-Marie Koltès – Théâtre du Saulcy à Metz (57)
Le 7 marsThéâtre Madeleine Renaud, Taverny (95)
Le 30 marsCentre culturel La Courée, Collégien (77)
Le 13 avrilThéâtre Jacques Brel, Talange (57)
Le 9 mai
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