A la MAC Créteil, la chorégraphe orchestre une charge frontale contre le néo-libéralisme. Avec culot et brio, elle esquisse le portrait d’une société en proie à toutes les formes de violence.
Soudain, le vacarme se tait. On s’attend à une salve d’applaudissements. Et puis rien, ou si peu. Quelques soupirs de soulagement, trois ou quatre bravos, de timides claquements de mains… Divisé, le public de la Maison des Arts et de la Culture de Créteil a réservé un accueil froid, très froid, à la nouvelle création de Maguy Marin. Etait-il sonné après 1h30 de musique assourdissante, déstabilisé par la lourde charge politique menée par la chorégraphe, circonspect, déçu, voire un peu des quatre ? Une seule chose est sûre : dans les travées, Deux mille dix sept n’a laissé personne indifférent.
Maguy Marin a choisi de commencer là où elle s’était arrêtée, à la fin de BiT, son avant-dernier spectacle. Sur fond de musique électronique, la farandole infernale reprend de plus belle. Mais l’auto-citation est de courte durée. Après un bref salut, les danseurs réapparaissent, métamorphosés. Faux sourires ultra-bright, lunettes de soleil superflues, les pieds coincés dans des voitures de sport, les bras chargés de sacs de shopping flanqués des noms des plus grandes marques de luxe, les voilà affublés de tous les apparats du capitalisme triomphant. Entre eux, se joue une danse qui n’a rien à envier aux pires cocktails mondains. Entre deux risettes et trois courbettes, des billets verts s’échangent ostensiblement.
Le ton est alors donné, le décor planté. Profondément inquiète, révoltée par la marche de notre société, Maguy Marin a opté pour un spectacle résolument politique. Et la charge sera frontale. Habituellement très conceptuelle, la chorégraphe ne fait cette fois pas dans la dentelle. Certains y verront une critique caricaturale, aux traits grossiers, aux saillies faciles. Elle ne fait, en fait, que tendre un immense miroir où se reflète tous les maux de notre monde. Avec culot et brio, elle cloue au pilori l’argent-Roi, les dominations sociales, la corruption, les inégalités de richesse inter et intra sociétés. Aussi désagréable soit-il à observer, le reflet est conforme à la stricte réalité, avec tout le sentiment de malaise qu’elle peut parfois provoquer.
Chorégraphiés jusqu’au moindre détail, les tableaux forment une fresque sombre qui, soutenue par une musique composite volontairement agressive, ne manque ni d’inventivité, ni de force. Parmi eux, la transformation progressive de la piste de danse en un champ de stèles offre l’image la plus marquante. Au-delà de la lutte des classes que Maguy Marin entend démontrer, la violence se noue dans des domaines plus intimes. Le mari qui brutalise sa femme côtoie des hommes d’affaires qui sabrent le champagne, avant de licencier manu militari certains de leurs salariés. Les patrons engoncés dans leur richesse faisant toujours face à ces travailleurs des champs ou du bâtiment qui s’usent, et meurent, à la tâche.
Les méninges retournées, les oreilles en miettes, on ressort lessivé de ce spectacle hors des sentiers battus. Préoccupé, aussi, par cet état délabré du monde. Maguy Marin voulait « bouleverser le cours ordinaire des choses ». Elle a au moins réussi à éveiller les consciences.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Deux Mille Dix Sept
conception et chorégraphie Maguy Marin
musique live Charlie Aubry
en étroite collaboration et avec
Ulises Alvarez, Charlie Aubry, Laura Frigato, Françoise Leick, Louise Mariotte, Mayalen Otondo, Cathy Polo, Ennio Sammarco, Marcelo Sepulveda, Adolfo Vargas
lumières Alexandre Béneteaud son Antoine Garry et Loïc Goubet
régie plateau et scénographie Albin Chavignon
réalisation des costumes Nelly Geyres assistée de Raphaël Lo Bello
conception d’éléments costumes Montserrat Casanova
éléments d’accessoires Paul Pédebidau
merci à Marie-Lise Naud pour son regard extérieur et Louise Gros pour son aide
Centre Culturel André Malraux à Vandoeuvre-lès-Nancy
Théâtre de la Ville – Paris / Festival d’Automne à Paris / Maison des Arts de Créteil,
l’Opéra de Lille,
MC2 de Grenoble,
manège, scène nationale – reims,
la Maison de la Danse de Lyon,
le CCN de Grenoble,
le CCN de Nancy,
le théâtre Garonne, scène européenne – Toulouse,
l’ADAMI – L’Adami gère et fait progresser les droits des artistes-interprètes en France et dans le monde. Elle les soutient également financièrement pour leurs projets de création et de diffusion.
Avec le soutien du Théâtre, Scène nationale de Mâcon
Durée: 1h30Tournée 17/18
6 7 octobre Centre culturel André Malraux Vandoeuvre-lès-Nancy
12 & 13 octobre – le manège-reims
24 novembre – Le Théâtre, Scène Nationale Mâcon
6 7 8 9 décembre – Maison des Arts de Créteil / Théâtre de la Ville hors les murs/ Festival d’Automne
20 & 21 février – Opéra de Lille
24 février – Théâtre municipal Charleville Mézières
27 & 28 février – Maison de la Danse à Lyon
2 mars – CDC – Les Hivernales – Avignon
16 & 17 avril – Stadsschouwburg – Amsterdam
16 & 17 mai MC2: Grenoble
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