Au cloître des Célestins, Pascal Kirsch crée La Princesse Maleine, première pièce de Maurice Maeterlinck, avant une importante tournée pour la saison 2018-2019. Un spectacle sans éclat, à tel point qu’on se demande ce qu’il fait dans la programmation du festival.
La Princesse Maleine est une pièce de Maurice Maeterlinck inspirée d’un conte de Grimm. Il y est question de fiançailles brisées, d’une guerre qui décime une famille entière par le feu, de la survie inattendue d’une princesse et de promesses qui ne pourront être tenues à cause de la mort de ceux qui les avaient faites. Tout cela aux Pays-Bas, dans un environnement hors du temps.
Dès les premières répliques, on est frappé par le jeu stéréotypé des acteurs. La plupart semblent suivre une partition dictée par le metteur en scène et non par le texte, sauf que cela ne fait ressortir ni le talent des comédiens, ni la force des mots. Les bonnes prestations d’Arnaud Chéron en Angus, Vincent Guédon en roi fou et Victoire du Bois, métamorphosée dans le rôle titre, ne sont pas non plus suffisamment exceptionnelles pour donner tout son corps au spectacle.
Le décor souffre du même déséquilibre. On est d’abord charmé dans les premières minutes par la scénographie où une lune brille sur une table constellée de blocs de glaces. Mais cette magie fragile est jetée au sol dans les 10 premières minutes. Des glaçons se trouveront sans raison sur la route des comédiens pendant tout le spectacle. Ils glisseront d’autant plus facilement que, pour on ne sait quelle raison, les personnages trouvent le moyen de vider des seaux d’eau sur la scène à intervalle régulier (l’influence de la forte chaleur Avignonaise et d’Antigone dans la cour d’honneur sans doute), mais ils ne parviennent pas pour autant à créer une véritable piscine. La vidéo montre aussi vite ses limites, il s’agit en fait de signifier chaque lieu par des morceaux de paysage. Autrement dit, ces images seraient une bonne publicité pour Yellow Corner si la chaîne de vente de photos se diversifiait dans le domaine de la vidéo zen à bon compte. Dans les éléments qui entourent les acteurs dans cette épreuve, seule la musique de Richard Comte est une belle réussite. Elle seule participe activement à la création des ambiances et à installer, parfois, une légère nuance d’étrangeté dans ce texte que la poussière rappelle à lui avec tant de force.
Le langage de Maeterlinck devrait peut-être être réservé aux seuls grands metteurs en scène ? Que faire avec cette écriture descriptive ? Une trame dans laquelle il faut plusieurs minutes à chaque personnages pour accomplir des actions simples (ouvrir une porte, se rendre compte que quelqu’un est mort). Mise en scène de façon si littérale et respectueuse du texte comme le fait Pascal Kirsch, on n’est pas loin de friser le ridicule. Le public réprime mal ses rires à la fin lorsque les personnages poussent des hurlements surnaturels pour exprimer leur douleur. Kirsch apprécie de travailler sur les « destins funestes », il y a dans la littérature contemporaine des exemples qui seront tout aussi frappants et parleront certainement davantage au public d’aujourd’hui.
Car on se demande si Pascal Kirsch est au courant de ce qui est produit ces dernières décennies ? Dans les différents documents qui retracent le parcours de cet homme de théâtre pour le moins discret, il n’y a aucun auteur ou philosophe vivant. Le plus « jeune » est René Girard, mort en 2015. Pour le reste, l’argument principal du spectacle présenté à Avignon est laissé à la poétesse Hadewijch d’Anvers (XIIIe siècle), mais on parle aussi de Francis Bacon (mort en 1992). Pour aller plus loin et observer le reste de la carrière de Kirsch, outre Maeterlinck (mort en 1949), il y a Georg Büchner (mort en 1837), Paul Celan (mort en 1970) ou encore Hans Henny Jahnn (mort en 1959). Tout cela explique pourquoi La Princesse Maleine fleure bon le théâtre contemporain du XXe siècle qui, parfois, sonne parfois un peu ringard.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
La princesse Maleine
Texte : Maurice Maeterlinck
Conception et mise en scène : Pascal Kirsch
Scénographie et costumes : Marguerite Bordat et Anaïs Heureaux
Lumière : Marie-Christine Soma
Son : Pierre-Damien Crosson
Musique : Richard Comte
Vidéo : Sophie Laloy
Avec : Bénédicte Cerutti, Arnaud Chéron, Mattias de Gail, Victoire Du Bois, Raphaëlle Gitlis, Vincent Guédon, Loïc Le Roux, François Tizon, Florence Valéro, Charles-Henri Wolff
Production : Compagnie Rosebud
Coproduction : MC93 Maison de la culture de Bobigny, Festival d’Avignon, MC2: Grenoble, La Passerelle Scène nationale de Saint-Brieuc, Le Parvis Scène nationale de Tarbes, Équinoxe Scène nationale de Châteauroux
Avec le soutien de la Drac Île-de-France, Fonds d’insertion pour les jeunes comédiens de l’école supérieure d’art dramatique de Paris – Pôle supérieur Paris Boulogne-Billancourt, Maison Louis Jouvet – Ensad Languedoc-Roussillon, Arcadi Île-de-France et pour la 71e édition du Festival d’Avignon : Adami
Avec l’aide de Centquatre-Paris, la Fabrique des Arts – Théâtre 71 Scène nationale de Malakoff, Théâtre Louis Aragon (Tremblay-en-France), Canal 93
La Princesse Maleine de Maurice Maeterlinck, est publié aux éditions Espace Nord.
durée estimée 2h25Festival d’Avignon 2017
9 | 11 12 13 14 15 JUILLET
À 22H
CLOÎTRE DES CÉLESTINSTournée :
Octobre 2018 : MC 93 de Seine-Saint-Denis (Bobigny)
13 novembre 2018 : Le Parvis Scène nationale de Tarbes
26 et 27 novembre 2018 : L’Équinoxe (Châteauroux)
11 et 12 décembre 2018 : La Passerelle (Saint-Brieuc)
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