Jacques Boudet, c’est l’une des gueules du cinéma français. Membre de la bande de Robert Guediguian, il aligne une filmographie impressionnante. Son premier contact avec Avignon remonte à 1971 – l’année de la mort de Jean Vilar. Il incarne plusieurs rôles dans « Béatrice du Congo » dans une mise en scène de Jean-Marie Serreau au Cloître des Carmes. L’année suivante Benno Besson le fait jouer dans « Comme il vous plaira » de Shakespeare dans la Cour d’Honneur, puis Horatio en 1977 dans « Hamlet », toujours dans la Cour avec Benno Besson. Il revient en 1978 dans « Déménagement » de Anne-Marie Kraemer à la Chapelle des Pénitents Blancs. Depuis Jacques Boudet s’est fait très rare en Avignon, lui qui a découvert le Festival adolescent, monté de Montpellier avec quelques copains. C’est donc dans le off, au Palais Royal, au pied du Palais des Palais qu’il fait son retour dans «La dernière bande » de Beckett, heureux de renouer avec la « vitalité du off », qui tranche selon lui avec le côté « sclérosé » de la programmation du Festival. « J’ai le sentiment que le Festival a vieilli plus que moi ! », lance le comédien.
Un jeune metteur en scène, Christophe Gand l’a convaincu de se lancer dans ce projet l’année dernière. Le spectacle est repris pour cet édition 2011 du Off. « C’est formidable de jouer cette pièce pour un acteur de mon âge, j’ai l’âge du personnage. J’avais déjà joué Beckett, « Fin de partie ». C’est l’un des auteurs les plus importants du répertoire ». L’inexpérience du metteur en scène – vierge de toute mise en scène au théâtre – ne lui a pas fait peur. « C’est très bizarre quand un garçon de 23 ans vient vous voir pour vous proposer de jouer ce texte, très loin de ses préoccupations, puisqu’il est au début de sa vie. On a monté cela en tête en tête, ce n’est pas une co-mise en scène, c’est la sienne. Il a envie d’apprendre. C’est bien d’avoir des regards croisés ».
Il incarne ainsi le vieux Krapp, personnage créé il y a 50 ans au Théâtre Récamier par René-Jacques Chauffard dans une mise en scène de Roger Blin. « J’éprouve pour ce petit texte les sentiments d’une vieille poule pour son dernier poussin. Comme elle je glousse, je le couve de mon petit œil brillant, je me perche sur une patte, pieds nus », expliquait Beckett. Krapp est un écrivain un peu clochard, un peu ivrogne qui se repasse les moments de sa vie enregistrés sur son magnétophone. « C’est très agréable à jouer, même si cela est compliqué de dialoguer avec soi-même, explique Jacques Boudet. J’ai pour cela fait un travail sur la voix, pour la partie de la pièce enregistrée sur la bande magnétique. C’est comme si un album se mettait à parler ».
Beckett était très pointilleux sur la façon de mettre en scène ses pièces, il tenait à ce que l’on respecte à la lettre ses indications. « La seule liberté que le metteur en scène s’est accordée, c’est lorsque l’on voit Krapp boire. Il se réfugie derrière un drap. Ce n’est pas dans le texte de Beckett. Il le suggère uniquement ». Une entorse bien légère dans cette mise en scène qui n’arrive malheureusement pas à restituer l’ambiance de la pièce de Beckett, son texte le plus intimiste, qui nécessite une introspection plus grande. Alors il reste le plaisir de partager cinquante minutes en compagnie de Jacques Boudet qui se fait rare au théâtre. Il profitera de sa présence en Avignon pour applaudir Denys Podalydes dans « Richard II », ils ont joué ensemble à Chaillot en 2007, sous la direction de Jean-Basptiste Sastre. Puis il ira rejoindre la famille Gediguian pour le tournage de son nouveau film qui débute en septembre.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La dernière bande de Beckett
Avec Jacques BOUDET
Mise en scène de Christophe GAND
Conception lumières : Alexandre Icovic
Son : Renaud Duguet
Régie : Philippe Blandin
Décor-costumes : Claire Vaysse
Graphiste affiche : Florence Putzola
Photographe : Alexandre Icovic
Durée : 1 heure
Avignon Off 2011
ESPACE ROSEAU
Du 8 au 31 juillet 2011
à 17h
Tout à fait d’accord avec Jacques Boudet pour constater la profonde sclérose du In… On a eu tort sans doute d’en confier la direction à deux élèves des H.E.C. qui délèguent chaque année la direction artistique à des personnes sans grand talent ou sans grande et réelle motivation pour venir dans la Cour d’Honneur… Ce Festival In n’a plus rien à voir avec le grand dessein de Vilar puis Wilson… Il n’a plus rien de populaire. Le Off le reste encore et c’est bien là qu’ont lieu les vraies créations… Quant au Festival réellement populaire – gratuit – il a lieu chaque soir dans les rues ou sur la Place de l’Horloge… pour un public qui risque de n’avoir jamais les moyens financiers d’entrer dans la Cour… Paradoxalement, le In finira par mourir étouffé par les subventions astronomiques qu’il reçoit pendant que les vrais artistes font de la création dans le Off avec quatre bouts de ficelles…