Après une création au Théâtre de Vidy-Lausanne, le nouveau spectacle de Dieudonné Niangouna s’installe pour un mois au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Se voulant d’un théâtre très actuel, le résultat n’est malheureusement pas à la hauteur du talent de celui qui était artiste associé au Festival d’Avignon en 2013.
Entre le Radeau de la Méduse de Géricault et les migrants qui cherchent à traverser la Méditerranée, le parallèle est frappant : peinture et vidéo de naufragés nous marquent immédiatement. Très ancrées dans le présent, les intentions de Dieudonné Niangouna sont louables. Il fait du théâtre le reflet d’une réalité que nul ne peut fuir, on est obligé d’observer ces « vrais voyageurs » qui sont ceux « qui ne savent pas où ils vont ».
Les comédiens sont généreux et Niangouna montre sa maîtrise des outils de plateau : chorégraphies, entrelacs de corps et jeu sur différents degrés d’étrangeté, notamment en ayant recours aux effets sonores. Il invite aussi à différents degrés de lecture et les acteurs ont plusieurs rôles. Parfois ils se métamorphosent en comédiens et, d’incarnante, la meute devient apprenante. Malheureusement, il faut plus que de la générosité et quelques bonnes idées pour tenir le public en haleine durant une pièce si longue.
Car passées la curiosité et la surprise, on se rend à l’évidence : le résultat final est un fatras de mots incompréhensibles qui s’amoncellent trois heures durant. La critique salutaire est aussi noyée que les voyageurs pauvres du Titanic. Seuls émergent les inévitables discours sociaux revendicatifs attendus de ce genre de théâtre. Comme les points de vues, les mots sont trop nombreux, ils se succèdent et trébuchent. Ce bavardage étouffant est prétexté par un jeu sur la langue (à la manière d’un Novarina?), mais le premier degré est trop prégnant. En voulant nous brutaliser, Dieudonné Niangouna sombre dans la facilité en plongeant dans le vulgaire. Au sortir du spectacle, notre âme est marquée d’aucune cicatrice, tout au plus quelques ecchymoses.
Plus encore, dans la deuxième partie, Dieudonné Niangouna prend toute la lumière. Il est lui mais aussi les autres, il est César et le juge. Il se métamorphose en une Angelica Liddell qui aurait puisée ses phrases chocs chez le gourou du web Sylvain Durif. Il liste, hurle, harangue et invective, débordé par cette création qu’il a écrit, mis en scène, et dont il a aussi composé la scénographie en plus d’en jouer le rôle central. Masqué derrière une radicalité revendiquée, il devient une caricature de ce qu’il défend. Au milieu de ses monologues, il dira que ses mots préférés sont « vertige », « urgence » et « solitude », mais on entend bien plus les mots « baiser », « emmerder » et « enculer ». Le « nkenguegi », qui donne son nom au spectacle, est une plante épineuse plantée au Congo pour éloigner les bêtes sauvages des enclos. Dommage que cela fasse aussi effet au spectateur.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
« NKENGUEGI »
Texte, mise en scène, jeu, scénographie : Dieudonné Niangouna
Avec : Laetitia Ajanohun, Marie-Charlotte Biais, Clara Chabalier, Pierre-Jean Etienne, Kader Lassina Touré, Harvey Massamba, Daddy Kamono Moanda, Mathieu Montanier, Criss Niangouna.
Collaboratrice artistique : Laetitia Ajanohun | Création musicale et musiciens : Chikadora, Pierre Lambla, Armel Malonga | Régie générale : Nicolas Barrot | Vidéastes : Wolfgang Korwin et Jérémie Scheidler | Lumière : Thomas Costerg | Son : Félix Perdreau | Régie plateau : Papythio Matoudidi | Costumes : Vélica Panduru | Création Masques : Ulrich N’Toyo
Le texte est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.
Production : Cie Les Bruits de la Rue – direction artistique Dieudonné Niangouna Coproduction : MC93 – Maison de la Culture de la Seine-Saint-Denis, Théâtre de Vidy Lausanne, Künstlerhaus Mousonturm Francfort, Le Grand T Théâtre de Loire Atlantique, Parc de la Villette – résidence d’artistes 2016 Le texte a reçu l’Aide à la création du Centre national du Théâtre. Avec l’aide du Théâtre National de la Colline. La Compagnie Les Bruits de la Rue est soutenue par le ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Île-de-France. La Compagnie Les Bruits de la Rue accompagne la Cie La Contreverse (dirigée par Jérémie Scheidler et Marie-Charlotte Biais) dans le cadre du dispositif d’aide au compagnonnage soutenu par la DGCA.
Durée : 3hTGP Saint-Denis
9 Novembre 2016 > 26 Novembre 2016
du lundi au samedi à 20 h – dimanche à 15 h 30 – relâche le mardi
Salle Roger BlinDu 1er au 2 décembre 2016 : Mousonturm (Francfort)
Du 26 au 28 avril 2017 : Le Grand T (Nantes)
Monsieur, Volle, la situation présente au Congo n’est pas facile, il est vulgaire! OUI, les écuries de guerre et autres milices armées au Congo chantent des insanités et non » à la claire fontaine ». Ce n’est pas la vulgarité de Dieudonné Niangouna mais bien celle des écuries comme l’écurie Moufoutra qui a existé pendant les années de guerre au Congo que Dieudonné Niangouna a vécu. Alors les mots qui circulent dans la pièce ne sont pas » baiser » et » enculer » ça c’est la chanson de écurie moufoutra qui n’est chantée que deux fois dans la pièce pendant un cours moment de la dernière partie.