DirigĂ©es par Françoise Gillard, six comĂ©diennes du Français se promĂšnent dans La Ballade de Souchon dans le rĂ©pertoire du cĂ©lĂšbre chanteur français. Entre le tour de chant et le portrait, entre lâapproche objective et intime, cette piĂšce musicale peine Ă trouver une voie propre pour Ă©voquer la voix unique de lâartiste, poĂ©tique et populaire.
Avec La Ballade de Souchon dont elle signe la mise en scĂšne, la sociĂ©taire de la Troupe de la ComĂ©die-Française complĂšte la collection des spectacles musicaux de la ComĂ©die-Française, oĂč plusieurs poĂštes de la chanson ont ces derniĂšres annĂ©es Ă©tĂ© honorĂ©s. Lâune des grandes rĂ©ussites en la matiĂšre est incontestablement Comme une pierre qui⊠(2015) mis en scĂšne par Marie RĂ©mond, oĂč SĂ©bastien Pouderoux incarnait un Bob Dylan de 24 ans, en plein enregistrement du fameux Like a Rolling Stone. En prĂ©sentant la naissance de ce tube par les yeux du jeune guitariste Al Kooper (Christophe Montenez) prĂ©sent pour assister Tom Wilson (Gilles David) qui vient alors de produire Sound and Silence de Simon & Garfunkel, la metteure en scĂšne sâautorisait une libertĂ© bienvenue par rapport Ă lâHistoire. Bien que trĂšs documentĂ©s, fidĂšles Ă lâesprit rock de lâĂ©poque, les comĂ©diens livraient des versions trĂšs personnelles des musiciens quâils incarnaient en plein travail de crĂ©ation, pleins de doutes autant que de fulgurances.
SĂ©bastien Pouderoux et StĂ©phane Varupenne (Mile Bloomfeld dans Comme une pierre quiâŠ) poursuivent en 2019 au Français cette recherche entre thĂ©Ăątre et musique avec Les Serge (Gainsbourg point barre), oĂč six comĂ©diens-musiciens formaient un groupe qui abordait le chanteur sous ses diffĂ©rents visages, nombreux et souvent contradictoires. La Ballade de Souchon ne prend ni le chemin de Comme une pierre qui⊠ni celui des Serge. Si elle semble Ă premiĂšre vue plus proche de la deuxiĂšme proposition que de la premiĂšre, il est trĂšs vite Ă©vident que les six comĂ©diennes du Français qui y jouent, accompagnĂ©es des musiciens Yannick Deborne (guitare), Mathieu Serradell (claviers, piano) et Florence Hennequin (violoncelle), ne forment pas un groupe. Coraly Zahonero, Françoise Gillard, DaniĂšle Lebrun, Claire de La RĂŒe du Can, Yasmine Haller et Emma Laristan ont beau ouvrir la piĂšce en se relayant sur Chanter câest lancer des balles (1993), cela ne suffit pas Ă crĂ©er les bases dâun esprit commun, dâune Ă©nergie collective.
Le choix dâune distribution entiĂšrement fĂ©minine nây change que peu de choses. Sâil dĂ©cale lĂ©gĂšrement lâinterprĂ©tation originale, il ne questionne guĂšre en profondeur la sensibilitĂ© dâAlain Souchon, sa douce mĂ©lancolie que lâon a souvent pu dire « fĂ©minine ». InstallĂ©es dans un dĂ©cor de salon trĂšs cosy, sâoccupant lorsquâelles ne chantent pas Ă de petits riens, les comĂ©diennes semblent se retrouver autour dâAlain Souchon pour tromper lâennui. Lâabsence de toute tentative pour expliquer la prĂ©sence de ces femmes de gĂ©nĂ©rations diffĂ©rentes sur un mĂȘme plateau consacrĂ© Ă Alain Souchon est peut-ĂȘtre de la part de Françoise Gillard la preuve dâune confiance dans sa propre force dâinterprĂ©tation et celle des comĂ©diennes qui lâentourent. On le croit dâautant plus volontiers que la metteure en scĂšne dit avoir commencĂ© son travail par des interviews de chaque comĂ©dienne sur son rapport Ă Souchon, afin dâĂ©crire un spectacle « sur mesure en quelque sorte, en nous demandant quelle chanson correspondrait Ă quelle actrice, Ă son Ăąge, Ă son parcours ».
Mais faute dâexister ensemble, les interprĂštes peinent Ă exister individuellement. Car il ne suffit par pour cela que lâune dise se rappeler avoir Ă©coutĂ© Souchon sur la route des vacances avec ses parents, ou quâune autre raconte lâavoir vu en concert, avant dâavouer sa mĂ©prise : câĂ©tait en fait Laurent Voulzy, son complice dans la musique et dans la vie depuis cinquante ans. TrĂšs maigre, rĂ©duit Ă quelques phrases distillĂ©es tout au long du spectacle qui dâailleurs nâest pas long du tout â il dure Ă peine une heure â, le rĂ©cit des grands Ă©pisodes de lâexistence dâAlain Souchon ne donne pas au groupe lâidentitĂ© qui lui manque. Il peine aussi Ă dessiner la personnalitĂ© du chanteur, sa discrĂ©tion mĂȘlĂ©e Ă une forme de rĂ©volte contre certains phĂ©nomĂšnes de son Ă©poque, Ă©vidente par exemple dans Foule sentimentale (1993) que les interprĂštes chantent toutes ensemble. EntiĂšrement composĂ© de paroles prononcĂ©es par lâartiste lors dâentretiens ou autres prises de parole publique, le texte hors-chansons du spectacle a davantage tendance Ă amoindrir lâeffet de la tendre poĂ©sie de Souchon quâĂ lâamplifier.
AnaĂŻs Heluin – www.sceneweb.fr
La Ballade de Souchon
Adaptation : Françoise Gillard et Amélie Wendling
Mise en scÚne : Françoise Gillard
Costumes : Bernadette Villard
LumiĂšres : Ăric Dumas
Arrangements et direction musicale : Yannick Deborne
Son : Théo Jonval
Travail vocal : Mathieu Serradell
Travail chorégraphique : Glysleïn Lefever
Collaboration artistique : Amélie Wendling
Collaboration Ă la scĂ©nographie : Ăric Ruf
Assistanat Ă la scĂ©nographie : Nina Coulais de lâacadĂ©mie de la ComĂ©die-Françaiseet
Emma Laristan
Yannick Deborne guitares
Florence Hennequin violoncelle
Mathieu Serradell claviers, pianoDurée : 1h
Studio de la Comédie-Française
Du 26 janvier au 5 mars 2023
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?NâhĂ©sitez pas Ă contribuer !