A partir d’un roman et d’une fiction radiophonique de Claudine Galea, Benoît Bradel dresse un double portrait de la rockeuse américaine et de l’autrice française. Un défi périlleux remporté, avec fougue et panache, par Marie-Sophie Ferdane.
Dans une époque friande de nouveautés, où la durée d’exploitation des spectacles tend (malheureusement) à se réduire, La 7e vie de Patti Smith fait figure d’exception. Depuis sa création, en 2017, la pièce de Benoît Bradel n’en finit plus de réapparaître, à intervalles réguliers, sur les plateaux de France et de Navarre. Une longévité due, sans doute, en grande partie, à son actrice principale, Marie-Sophie Ferdane, qui semble, au long de ces quatre années, n’avoir rien perdu de sa fraîcheur, de son dynamisme et de son envie. Toujours irradiante dans les grands rôles qui lui ont été confiés – tels Nina dans La Mouette d’Arthur Nauzyciel, Marguerite Gauthier dans La Dame aux camélias du même Nauzyciel ou Lady Macbeth dans le Macbeth de Laurent Pelly –, la voilà qui incarne non pas un, mais deux personnages à la fois : Patti Smith et son double, Claudine Galea. A moins que ce ne soit l’inverse.
Composé à partir du roman de l’autrice, Le Corps plein d’un rêve, et de sa pièce radiophonique, Les 7 vies de Patti Smith, écrite pour France Culture, La 7e vie de Patti Smith s’adonne au périlleux exercice du double portrait, où la fiction et la réalité s’entremêlent habilement. Alors qu’elle traverse une adolescence tourmentée dans un petit village près de Marseille, une jeune femme de seize ans, plus prompte à se plonger dans la Symphonie n°5 de Gustav Mahler et Les Vagues de Virginia Woolf qu’à s’encanailler avec les gens de son âge, est traversée par une voix venue d’outre-Atlantique, celle de Patti Smith. Au mitan des années 1970, la new-yorkaise signe son premier album studio, Horses, qui la fait exploser et l’assoit comme l’une des précurseures de la musique punk-rock. Sans complètement renier la Callas et Marguerite Duras, l’adolescente se lance alors dans une correspondance avec sa nouvelle idole, éprise, comme elle, de liberté.
Plutôt que de s’adonner à une biographie en règle de la star américaine, Claudine Galea et Benoît Bradel révèlent sa face cachée. Ils scrutent une artiste en proie au doute, bousculée par les prémices d’une carrière qu’elle n’était pas forcément venue chercher – et qu’elle interrompra prématurément en 1980, avant son retour inattendu dans les années 1990. Alors que l’adolescente éclot parallèlement à la rockeuse, se dévoile une Patti Smith poétesse avant d’être chanteuse, autant emplie de vers que de notes, autant accroc aux riffs qu’à la musicalité rimbaldienne. Ces deux femmes, que près de quinze années séparent, Marie-Sophie Ferdane les embrassent au corps-à-corps, avec un naturel déconcertant. N’hésitant pas à amplifier les vraies et les fausses confessions, les pistes authentiques et les drôles de chausse-trappes forgés par Claudine Galea, avec sa langue toujours énigmatique, la comédienne vogue de registre en registre, d’incarnation en distanciation, d’ironie en émotion, sans jamais trébucher. Elle paraît même, parfois, tomber le masque, et se retrouver, quelque part, dans cette bouffée de liberté.
Surtout, la comédienne révèle une facette qu’on pouvait soupçonner sans la connaître vraiment, celle d’une rockeuse, capable, en jean noir et en débardeur blanc, d’enflammer une scène avec sa voix de velours. Entourée par les guitaristes Thomas Fernier et Seb Martel, qui nouent volontiers une relation complice avec le public, elle chante, danse, saute et psalmodie avec la même aisance, portée par un magnétisme qui, à la fin des fins, permet à lui seul de reconstituer les différentes pièces du puzzle imaginé par Claudine Galea. Un mélange d’arts et de styles, de libération et de générations ; un composite humain, furieusement et simplement humain.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
La 7e vie de Patti Smith
d’après le roman Le Corps plein d’un rêve et la pièce radiophonique Les 7 vies de Patti Smith de Claudine Galea
Mise en scène Benoît Bradel
Avec Marie-Sophie Ferdane, Thomas Fernier et Seb Martel
Création lumière Julien BoizardProduction Zabraka
Coproduction Terres de Paroles en Normandie
Avec les soutiens du Théâtre Ouvert à Paris, Au bout du plongeoir (Rennes Métropole), Le Relais (Le Catelier) et de la SPEDIDAMLe roman Le Corps plein d’un rêve de Claudine Galea est publié à La Brune, Editions du Rouergue.
Claudine Galea est représentée par L’Arche – agence théâtrale.Durée : 1 heure
Théâtre 14, Paris
du 1er au 5 juin 2021
Bonjour
Y aura-t-il d’autres programmations cette année?
Ou une tournée en province?
Merci
Natacha
Bonjour Natacha,
Le spectacle a déjà beaucoup tourné, y compris en régions, mais il n’est pas exclu que cela continue. Même si, pour l’heure, aucune date n’est annoncée.
Bonne journée,
Vincent