« Abilifaïe » et « Leponaix » sont deux médicaments prescrits aux schizophrènes. Ils sont 600 000 en France, 1% de la population. Jean-Christophe Dollé, à l’origine du spectacle a lu un jour les carnets d’une psychologue, dans lequel elle compilait ses entretiens avec ses patients. « Ça aurait pu être léger et prêter à sourire, explique Jean-Christophe Dollé. Mais ces mots étaient ceux d’hommes et de femmes en souffrance. Et j’ai vu soudain la poésie à l’état pur. J’ai compris que poésie et folie n’avaient sans doute fait qu’un, un jour. Ces notes prises sur le vif, au gré des conversations, des entretiens, c’était l’esprit humain sans fard, à nu, comme si la folie était la vraie nature humaine ».
Le spectacle met en scène quatre personnages. Maxence (Jean-Christophe Dollé) qui s’enveloppe de film plastique parce qu’il a peur que son corps se disloque. Antoine (Benjamin Tuel) qui écrit au Président de la République, en tout bon conseiller qu’il est. Ketty (Vanessa Ricci), et Soizic (Clotilde Morgiève). Ces quatre comédiens se sont lancés à corps perdu dans ce projet, et l’on sent beaucoup d’émotion tout au long du spectacle. Ils nous transportent dans un monde inconnu, ou plutôt que l’on ne veut pas connaître, par peur. Les schizophrènes à travers ce spectacle sont des êtres attachants, clairvoyants, plein d’esprits. Le spectacle fait penser à une version « hôpital psy » des célèbres « Brèves de comptoir » de Jean-Marie Gourio. Extraits choisis. « Jésus était Sarko, mais à l’époque ça s’appelait pas pareil ». « Des voix viennent de la cuvette des toilettes. C’est des voix perdues. Je tire la chasse d’eau pour faire fuir les voix». « J’entends des voix, y en a qui entendent des voix ils sont dans le calendrier, moi je ne suis nulle part ». «Je vois des trucs, même Spielberg il les a pas inventés». Alors on rit de ces situations, de ces moments d’esprits.
Le spectacle est magnifiquement scénographié par Adeline Caron et Nicolas Grisset. Plusieurs rideaux en plastique traversent l’espace, les comédiens les font bouger pour créer des lieux de vie, le tout dans une mise en lumière acidulée de Cyril Hamès. On est dans l’univers de Warlikowski. Un spectacle poignant qui interroge. Un travail réfléchi et soigné qui mérite d’être soutenu ardemment.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Abilifaïe Leponaix
de Jean-Christophe Dollé
Avec Vanessa Ricci
Benjamin Tual
Clotilde Morgiève
Jean—Christophe Dollé
Scénographie
Adeline Caron
Nicolas Brisset
Lumières
Cyril Hamès
Chorégraphie
Magali B.
Création sonore
Michel Bertier
Ciné 13 – Paris
Du 07/03/2012 au 14/04/2012 à 21h30
un véritable coup de coeur…
j’ai vraiement adoré ce spectacle : fort, intense, drôle, triste, remuant, gênant… à ne surtout pas rater