Ils vivent chacun dans leur monde mais ils rêvent de se rencontrer. « Chinoiseries » nous emmène dans un dédale d’absurdités où deux anti-héros sont prêts à tout pour tenter d’attirer l’attention de l’autre, sans jamais se l’avouer.
Madame Potée et Monsieur Chiton partagent le même rêve : un jour, trouver une place dans la vie de l’autre. Ce qui pourrait sembler aisé pour ces deux voisins de palier devient atrocement compliqué sous la plume d’Evelyne de la Chenelière. Ils accumulent les petites handicaps : les bras de M. Chiton sont devenus anormalement longs, à force de s’étreindre lui-même. Mme Potée est obligée de se brider les yeux pour tenter de voir les personnes qui s’adressent à elle ; myope comme une taupe, elle refuse de porter des lunettes. Lui tente de se trouver des ancêtre illustres dans l’espérance d’ajouter un aspect remarquable à son existence, elle apprend le chinois pour accompagner son défaut physique plus ou moins volontaire.
Jean-Claude Leguay et Christine Murillo jouent ces personnages habités par leur physique. Le premier est à la fois lui et sa mère (cet « acouphène grossier »), la deuxième a tout d’une effeuilleuse de nouveau burlesque. La solitude a laissé tout le temps nécessaire à ces deux êtres pour se connaître à fond, mais lorsqu’ils se croisent, ils ont tout faux. Ce qui pourrait être agaçant donne lieu à des situations poétiques de rencontre en musique et en gestes. Lorsque les mots se font plus rares, les corps donnent sens à l’ampleur dramatique.
La mise en scène de Nabil El Azan élève cette situation bloquée au rang d’un théâtre d’ambiance. Du public, certes on rit de cet empilement de situations ubuesques, mais on se sent habité du désir d’être voisin nous-même pour tenter de créer la connexion désirée par les deux doux dingues depuis tant d’années. La scénographie, sorte de grande boîte dans laquelle les protagonistes évoluent chacun de leur côté, finit par devenir un espace de jeu commun où, malgré la chute des cloisons, le chemin pour aller vers l’autre n’est pas plus aisé.
Cette rencontre inattendue connaît malheureusement quelques lourdeurs de plume et de décor. Des répliques répétées font perdre au texte de son potentiel surprenant et on regrette, dans la deuxième partie, que toute l’action soit centrée en milieu de scène, où la vue du spectateur est entravée par le dispositif de séparation entre les deux espaces.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Chinoiseries d’Evelyne de la Chenelière
Mise en scène de Nabil El Azan, assisté de Marie-Noële Bordeaux
Lumières : Philippe Lacombe
Avec : Christine Murillo, Jean-Claude Leguay
Coréalisation Vingtième Théâtre, Les Déchargeurs / Le Pôle Diffusion
et La Barraca, Le Théâtre MondeDurée : 1h20
Vingtième Théâtre
du 10 Mars au 8 mai 2016
du jeudi au samedi à 19h30 – dimanche à 15h00Théâtre des Halles
Rue du Roi René (Avignon)
11 et 12 mai 2016 à 20h
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