Russe, ukrainien, français. Trois langues en un seul spectacle pour raconter le mythe d’Antigone, d’après Sophocle et Brecht. Si, sur le papier, le programme semble compliqué, on est vite emporté par la limpidité et le classicisme assumé de la mise en scène de Lucie Berelowitsch.
Dans le bassin vide d’une domus éclairée au néon, Éteocle et Polynice, fils d’Œdipe, s’entretuent. Le bain de sang débouche sur la condamnation posthume de l’un, et la glorification de l’autre par Créon, roi de Thèbes. Polynice sera abandonné en pâture aux animaux sauvages. Antigone ne peut se résoudre à laisser appliquer cette sentence injuste et fera tout pour enterrer son frère contre la volonté de son oncle.
Cette histoire universelle est transposée dans un univers cyberpunk, où les Dakh Daugthers – connues du public français ukrainophile – jouent les coryphées gentiment trash, pendant qu’Antigone, Tirésias ou Créon hurlent leur pensée et campent sur leurs positions.
Dans un temps de spectacle très court, Lucie Berelowitsch parvient cependant à tisser des liens forts entre le mythe, l’Ukraine contemporaine et l’Europe d’aujourd’hui. L’univers est sombre et religieux, brutal – peut être Créon manque-t-il de finesse. On est en phase avec les idéaux d’Antigone, graine révolutionnaire, prête à mourir pour la justice. Mais surtout, avec beaucoup de talent, Lucie Berelowitsch parvient à faire jaillir une question absolument fondamentale de son spectacle : les lois des hommes ne peuvent surpasser les lois de Dieu ; en filigrane, on entend bien plus : les hommes peuvent-ils s’autoriser n’importe quoi en se réclamant de Dieu ?
Par ces multiples niveaux de lecture offerts aux spectateurs, les questions à la fois profondes et actuelles qu’elle aborde, ou son esthétique moderne, l’Antigone de Berelowitsch est tournée vers l’essentiel au théâtre : le public.
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
ANTIGONE
D’après Sophocle et Brecht
Mise en scène et adaptation : Lucie Berelowitsch
Musique : Sylvain Jacques
Scénographie : Jean-Baptiste Bellon
Costumes : Magali Murbach
Lumières : Victor Egea
Composition musicale avec les Dakh Daughters Vlad Troistkyi
Traduction ukrainienne et russe : Dmytro Tchystiak Natalia Zozul et l’équipe artistique
Avec : Ruslana Khazipova – Antigone, Thibault Lacroix – Tirésias, Roman Yasinovskiy – Créon, Nikita Sidtikov – Polynice et un Garde, Alexeï Kravchuk – Le Garde
Et les acteurs du Théâtre Molodoï de Kiev : Anatoli Marempolsky – Hémon, Tatiana Lutsenko – Ismène, Les Dakh Daughters – Le Chœur : Natalka Halanevych, Tetyana Hawrylyuk, Solomiia Melnyk, Anna Nikitina, Natalia Zozul
Production : Les 3 Sentiers Coproduction : Le Trident – Scène Nationale de Cherbourg – Octeville / Le Théâtre de l’Union – CDN de Limoges / la Comédie de Caen – CDN de Normandie, Le Dakh Théâtre et Diya (Ukraine)Avec le soutien de la DRAC Basse Normandie, de la Région Basse Normandie, du Conseil Général de la Manche, du Conseil Général du Val-de-Marne et de l’ODIA Normandie / Office de diffusion et d’information artistique de Normandie.
Avec le soutien de L’institut Français et de l’Ambassade de France d’Ukraine.
Théâtre de l’Athéne
Jusqu’au 13 décembre 2018
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