A travers sept portraits de comédiens qui puisent dans leur propre généalogie et leur imaginaire, Jan Lauwers chante, dans un vacarme saturant, le multiculturalisme et la fraternité universelle.
Depuis son spectacle phare, La Chambre d’Isabella, créé au Festival d’Avignon en 2004 et toujours en tournée depuis, la Needcompany travaille simplement à partir de tout ce qui la constitue. Des objets ou des intrigues biographiques s’offrent comme points de départ à une écriture qui s’élabore sur la réactivation de souvenirs venus peupler, hanter le plateau. Cette archéologie subjective est, une fois de plus, le cœur de cette dernière production donnée pour la première fois au Kunsten en 2015.
La compagnie flamande est un vivier de différents corps, êtres, différentes langues, couleurs, cultures, confessions religieuses, différentes nationalités, identités. Tout cela s’expose, dans une succession de séquences, paraboles intimes et sociétales, autofictions pleines de sincérité et d’autodérision, où les acteurs se présentent à la fois tels qu’ils sont et complètement autres. Ils se racontent. Inégalement. Certains passages d’une beauté puissante suscitent l’empathie, d’autres plus gênants tombent à plat.
Ce qui a inspiré un tel spectacle à Jan Lauwers, Maître de cérémonie étonnamment effacé, est la visite d’une cathédrale érigée dans une mosquée dans la Cordoue arabo-andalouse du Xe siècle ainsi que l’œuvre du poète arabe Abul ʿAla Al-Maʿarri et de la poétesse omeyyade Wallada bint al-Mustakfi. Réconciliant le passé et le présent, la pièce invite à une transportation insolite dans des temps ancestraux. Les histoires tragicomiques sont souvent profuses et décousues, elles partent dans tous les sens, usent de tous les tons, du banal au grave, elles embarquent sur les routes des Vikings, des Croisés, en Indonésie, en Norvège, aux Amériques, en Tunisie… « Je suis tout le monde et le monde c’est moi » dit Anna Sophia, comme un manifeste du propos utopique de toute la troupe.
Installée sur le grand plateau nu de la Colline, la scène-monde de Jan Lauwers se présente comme une forme théâtrale artisanale et pêchue, jamais sage et policée, parfois un peu vaine, sorte de rituel chamanique et de concert rock, imposante machine illusionniste qui compile les matériaux et les idées. Les interprètes sont toujours de sacrés performeurs. Acteurs sur le plateau dans des solos conséquents, ils sont aussi danseurs gracieux et musiciens déchaînés. La pluridisciplinarité est une marque de fabrique un peu usée de la compagnie qui déploie son univers singulier. Infatigables, les comédiens dépensent une folle énergie en criant et surjouant beaucoup.
Avec ses longueurs et ses défauts, Le Poète aveugle n’est pas sourd aux brassages du monde qui font sa richesse restituée d’une manière parfois chaotique dans un grand geste généreux d’ouverture et de communion entre les hommes.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Le poète aveugle
texte, mise en scène, images
Jan Lauwers
musique
Maarten Seghers
costume
Lot Lemm
dramaturgie et sur-titrage
Elke Janssens
création lumière
Marjolein Demey
Jan Lauwers
création son
Ditten Lerooij
son
Ditten Lerooij
Marc Combas
directeur de production
Marjolein Demey
technique de la production
Marjolein Demey
Kurt Bethuyne
réalisation technique des décors
De Muur, X-Treme
soutien logistique
Irmgard Mertens
assistante costumes
Lieve Meeussen
stagiaire mise en scène
Lisaboa Houbrechts
stagiaires technique
Pablo Pérez Albalaejo
Ludovicus Grevendonk
introduction dramaturgique
Erwin Jans
conseil dramaturgique
Jef Lambrecht
Lucas Catherine
Taha Adnan
traduction française
Olivier Taymans
traduction anglaise
Gregory Bal
avec
Grace Ellen Barkey
Jules Beckman
Anna Sophie Bonnema
Hans Petter Melø Dahl
Benoît Gob
Maarten Seghers
Mohamed Toukabri
Elke Janssens
Jan Lauwers
Diffusion en France : Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau
En partenariat avec Humain trop humain – CDN Montpellier
Spectacle créé en mai 2015 au Kunstenfestivaldesarts, Kaaitheater – Bruxelles.
Production : Needcompany
Coproduction : Kunstenfestivaldesarts, KunstFestSpiele Herrenhausen, FIBA – Festival Internacional de Buenos Aires, Künstlerhaus Mousonturm.
Avec le soutien des autorités flamandes.
Durée : 2h30 avec entracteThéâtre National de la Colline
du 11 au 22 Octobre 2017
du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 16h
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