Frédéric Ferrer reprend, plus de trois ans après sa création en marge de la COP 21, le deuxième épisode de sa série consacrée aux conférences organisées par l’ONU autour du changement climatique. Un théâtre des négociations, absurde et grinçant, qui n’a perdu ni de sa drôlerie, ni de son acuité.
Depuis la toute première conférence de Berlin en 1995, voilà près de 25 ans que les États parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques se réunissent, chaque année, pour tenter d’endiguer le dérèglement du climat planétaire, avec un succès somme toute assez relatif. Après un premier opus, créé en 2008, juste avant l’échec retentissant de Copenhague, Frédéric Ferrer s’est à nouveau plongé dans le grand théâtre des négociations que ces COP à répétition représentent naturellement.
Comme toujours chez cet auteur, acteur, metteur en scène et géographe, le processus de création repose sur des fondations bétonnées à la documentation. Drafts des accords, enregistrements in situ, prises de parole publiques, discours officiels, documents scientifiques, rapports, courbes, graphiques, vidéos, projections, visuels, entretiens avec des experts, accréditation pour assister à la COP 20 de Lima… Frédéric Ferrer a fait feu de tout bois pour imaginer cette réunion de la dernière chance, préalable nécessaire à la « COP des COP », cette n-ième édition qui, à Shanghaï, en 2022, permettra de sauver le monde.
Réunis à l’Île Maurice, faute d’avoir pu se rendre au Vanuatu, ravagé par les eaux, sept représentants se font face pour parvenir à un accord ambitieux. Aux côtés des États-Unis, de l’Union européenne, de la Russie et de la Chine, siègent le Brésil, le Congo, comme porte-voix du continent africain, et l’Iran, comme porte-parole des membres de l’OPEP. D’abord volontaires, déterminés à aboutir, tous se perdent progressivement en palabres et en salamalecs diplomatiques. Plutôt que de discuter du fond des sujets, aux enjeux de la plus haute importance, ils se vautrent dans des querelles de personnes, saupoudrées par une ribambelle de métaphores creuses. La réunion de la dernière chance tourne alors à la triste foire d’empoigne où chacun défend, avec des arguments plus ou moins fallacieux, son petit pré-carré et s’enferre dans des conflits anciens. Plus qu’un espoir, émerge alors le sentiment d’une immense perte de temps et d’un profond gâchis.
Créée en 2015, en marge de la COP 21, mais scrupuleusement actualisée depuis, cette fausse conférence, où réel et fiction se mêlent jusqu’à ne plus pouvoir être distingués l’un de l’autre, n’a rien perdu de son acuité. Pis, plus de trois ans après la première représentation, elle apparait, sans doute, encore plus cruelle qu’à l’époque, la stagnation, voire l’enlisement de la situation sur le front climatique étant aujourd’hui criante. Pour autant, le spectacle ne se complait pas dans la sinistrose. Au contraire. Armé de cet humour grinçant, qui fait naître les rires, souvent jaunes, Frédéric Ferrer offre à ses comédiens, originaires des quatre coins du monde, une partition en forme de signal d’alarme, où l’absurde le dispute à la folie. Tous s’en sortent avec une dextérité, et un plaisir de jouer qui fait tout le sel de cette proposition iconoclaste. Espérons, pour notre bien à tous, qu’elle ne soit, en rien, prémonitoire.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Kyoto Forever 2
Écriture et mise en scène Frédéric Ferrer
Avec Behi Djanati Atai, Karina Beuthe Orr, Chrysogone Diangouaya, Guarani Feitosa, Frédéric Ferrer, Max Hayter, Charlotte Marquardt, Délia Roubtsova, Haini Wang
Lumières, construction, accessoires et régie générale Olivier Crochet
Création son Pascal Bricard
Dispositif vidéo Pascal Bricard et José-Miguel Carmona
Costumes Anne Buguet
Assistantes Claire Gras et Clarice Boyriven
Production Vertical Détour
Coproduction Maison des métallos, La Ferme du Buisson – Scène nationale, Théâtre-Sénart – Scène nationale
Partenaires Établissement Public de Santé de Ville-Evrard
Avec le soutien d’Arcadi Île-de-France, du Fonds SACD Théâtre, de la Ville de Paris – Direction des affaires culturelles, du dispositif d’insertion de l’École du Nord, soutenu par la région et la DRAC Hauts-de-France, de la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication. La compagnie Vertical Détour est conventionnée par la région et la DRAC Île-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication. Elle est en résidence au Centre de réadaptation de Coubert – établissement de l’UGECAM Île-de-France et soutenue par la DRAC et l’ARS Île-de-France dans le cadre du programme « Culture et Santé ».
Durée : 1h40
Le Monfort Théâtre, Paris
du 12 au 23 février 2019Le Manège, scène nationale de Maubeuge
Le 26 avril
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