L’anglais Declan Donnellan s’empare avec voracité de la pièce d’Alfred Jarry, et avec sa troupe de comédiens français il en fait une critique acerbe de la société et inscrit le texte dans une extraordinaire modernité.
C’est soir de réception dans un famille bourgeoise. Dans l’appartement cossu le père prépare le repas dans la cuisine et la mère se maquille dans la salle de bain. Ces instants sont captés par la caméra du fils. Les scènes enregistrées se déroulent derrière le décor. Le fils vole ces instants d’intimité jusqu’à nous dévoiler des gros plans sur la cuvette des WC (pas très propre !). Puis l’image se fige dans des éclairages verdâtres. Le couple bourgeois se transforme en couple Ubu. On bascule alors dans un thriller. « De part ma chandelle verte », Ubu nous gratifie de son célèbre « Merdre ».
Declan Donnellan a choisi les moments clés de la pièce de Jarry. En allant ainsi à l’essentiel il rend la pièce plus actuelle. Son adaptation est brillante. Il effectue des allers-retours entre le texte de Jarry et ce dîner dans cette famille. Les dialogues à la table du repas sont alors susurrés, mais on perçoit de temps en temps quelques bribes cocasses : « c’est bien d’aider les jeunes artistes », c’est à mourir de rire !
Chaque scène est un pur moment d’ingéniosité. Lorsque Ubu assassine le roi Venceslas de Pologne avant de prendre le pouvoir, il le trépane avec un mixeur. Lorsqu’il décide de se séparer des nobles, des financiers et des juges , il les massacre à la tronçonneuse dans sa cuisine. Lorsqu’il se prépare à affronter l’armée russe, il explique son plan de bataille à coup de ketchup sur les murs de l’appartement. Et ainsi de suite. Il n’y a aucun temps mort. Et les six comédiens, tous excellents, s’en donnent à cœur joie.
« Un des points forts de la pièce est de nous remettre en contact avec notre propre bassesse, et ainsi d’éclaircir ce que nous pensons pouvoir contrôler, nier ou refouler », explique Declan Donnellan. Il a ainsi transformé la fin de la pièce. Le fils de la famille bourgeoise tue tout le monde à de coups de pistolet rappelant ainsi les plus sanglants faits divers mettant en cause la folie de ces adolescents tueurs. Le metteur en scène anglais prouve ainsi que l’on peut s’emparer d’un classique, le retravailler, sans en dénaturer l’esprit.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Ubu Roid’Alfred Jarry
mise en scène Declan Donnellan
scénographie Nick Ormerod
avec
Xavier Boiffier
Camille Cayol
Vincent de Bouard
Christophe Grégoire
Cécile Leterme
Sylvain Levitte
production Cheek by Jowl Theatre Company
coproduction Cheek by Jowl avec le Barbican à Londres
Les Gémeaux / Scène nationale / Sceaux
Comédie de Béthune
Centre dramatique national Nord / Pas-de-Calais
les 26 et 27 janvier : Koninklijske Schouwburg, La Hague (Pays-Bas)
du 30 janvier au 2 février : Warwick Arts Centre (Royaume-Uni)
du 5 au 9 février : Oxford Playhouse (Royaume-Uni)
du 14 février au 3 mars 2013 : Les Gémeaux / Scène nationale / Sceaux
du 5 au 8 mars 2013: la Comédie de Béthune – Centre dramatique national
du 26 au 29 mars 2013 : TnBA, Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
du 3 au 6 avril 2013 : La Criée – Théâtre national de Marseille
du 10 au 20 avril : Barbican, Londres (Royaume-Uni)
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