Dans le cadre de son travail sur le Siècle d’or, (Don Quichotte d’après Cervantés, La Céléstine de Rojas, Don Juan de Tirso de Molina), Christian Schiaretti a mis en scène Calderón pour la première fois en 1994 avec Le Grand Théâtre du monde, à la Comédie de Reims et en 2004 : Le Grand Théâtre du monde suivi de Procès en séparation de l’Âme et du Corps entrent au répertoire de la Comédie-Française, salle Richelieu.
En 2013, il présente une nouvelle création des deux actes sacramentels, avec les comédiens de la troupe du TNP.
Voici un théâtre injustement ignoré, d’une richesse inexplorée, et d’une influence primordiale sur toute l’histoire de la dramaturgie européenne (il y avait quarante théâtres à Madrid quand Paris n’en avait que deux). Le voir ainsi remis à sa place première et choisir pour cela le genre le plus étrange et le plus rare d’une production dramatique si variée procédait d’un courage que j’étais heureux d’accompagner.
L’acte sacramentel est une merveille, au sens propre. La dimension de l’œuvre (un seul acte), l’obligation de son sujet (la célébration de l’Eucharistie), son champ d’expression (le recours systématique à l’allégorie), les subtilités infinies du genre se définissent dans un cadre toujours égal dans lequel s’enchasse l’art de l’auteur. L’acte sacramentel est une miniature, comme on pourrait le dire d’une peinture, un art de la réduction et du geste droit : on ne se perd pas dans un acte sacramentel, reste toujours le dessin de l’œuvre en tête, c’est une construction que l’on peut voir entière, toute, dans le temps même de la représentation. Si le théâtre est le lieu où l’on peut voir les mots, ici l’on peut voir l’idée.
L’acte sacramentel est une forme dont la transcription littéraire ne garde de la célébration théâtrale que l’épure. Théâtre de plein air, de processions, usant d’artifices mécaniques et esthétiques complexes, de musique, s’adressant dans la rue à un public composite, l’acte sacramentel, comme la tragédie grecque, nous adresse depuis le Siècle d’or les mystères et l’énigme de sa forme.
Nous sommes face à lui, déconcertés, désarmés à représenter au plateau une idée (entendons une allégorie), sans possible psychologie de repli, inquiets d’assumer la célébration du mystère ou du moins l’effroi de sa conscience.
Et pourtant, miracle de l’intelligence, c’est bien le texte dans lequel se dépose la quintessence de ce théâtre. Le texte, rien que le texte. En le représentant, l’acte sacramentel demande une réalisation épurée, un éloignement de l’idée à représenter, une confiance en l’affirmation conceptuelle, en sa lucidité même. Plus ce théâtre met à nu ses mécanismes, plus son humanité résonne, plus il se décore, plus il s’engloutit. Comme d’une représentation romane d’un art baroque : tombées les velléités bavardes de l’exégèse scénique, se dresse debout et pleine d’humour, la puissance d’un théâtre de la pensée.
Théâtre simple donc, sans artifice, tout au service du saisissement.
Christian Schiaretti d’après dossier de presse.
Le Grand Théâtre du monde
suivi de
Procès en séparation
de l’Âme et du Corps
Deux actes sacramentels de Pedro Calderón de la Barca
Texte français Florence Delay
Mise en scène Christian Schiaretti
Le Grand Théâtre du monde
Avec
Jeanne Brouaye la Sagesse
Maxime Mansion le Monde
Julien Gauthier le Riche
Julien Tiphaine l’Auteur
Damien Gouy, Olivier Borle (en alternance), le Pauvre
Nicolas Gonzales, Clément Morinière (en alternance), le Roi
Yasmina Remil la Loi de grâce
Clément Carabédian le Laboureur
Laurence Besson la Voix
Antoine Besson un Enfant
Juliette Rizoud la Beauté
Procès en séparation de l’Âme et du Corps
Avec
Jeanne Brouaye la Mémoire
Nicolas Gonzales le Corps
Julien Gauthier l’Entendement
Antoine Besson l’Enfant
Julien Tiphaine le Péché
Juliette Rizoud la Volonté
Laurence Besson la Mort
Clémentine Verdier l’Âme
Yasmina Remil la Vie
Comédiens de la troupe du TNP
Scénographie et accessoires Fanny Gamet
costumes Thibaut Welchlin
lumières Julia Grand
Production Théâtre National Populaire
Avec la participation du Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon
Durée des spectacles : 1 h 10, entracte 0 h 20, 1 h 10
5 — 16 février 2013
Petit théâtre, salle Jean-Bouise
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