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« La Lettre », un théâtre aussi vrai que faussement léger

A voir, Cannes, Festival d'Avignon, Les critiques, Lyon, Montreuil, Nancy, Paris, Théâtre
La Lettre de Milo Rau au Festival d'Avignon 2025
La Lettre de Milo Rau au Festival d'Avignon 2025

Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Régulièrement invité au Festival d’Avignon, Milo Rau prend en charge la forme itinérante de cette 79e édition et propose, dans la lignée de ses spectacles précédents, une simple, mais sensible démonstration de la porosité entre le théâtre et la vie, portée par deux acteurs géniaux.

« On ne peut pas se passer de théâtre ». C’est ce que Tchekhov fait dire à son personnage, le médecin Sorine, dans La Mouette. C’est aussi ce que disent en filigrane les deux interprètes réunis au plateau dans La Lettre. Le Flamand Arne De Tremerie, et Olga Mouak, une actrice française d’origines camerounaise et réunionnaise, racontent avec une juste et vivifiante spontanéité comment et pourquoi le théâtre est apparu à eux, comment et pourquoi faire du théâtre un métier et un parcours de vie. Le théâtre de Milo Rau repose en grande partie sur des rencontres. Comme il sait si bien le faire, le metteur en scène dirige à nouveau les acteurs en partant de leurs propres histoires et les invite à convoquer des souvenirs singuliers, des figures, des voix originales qui appartiennent à leur intimité. À ce principe s’ajoute une autre constante de son travail, celle de dévoiler et de démocratiser la fabrication d’une pièce. C’est l’un des enjeux principaux de la proposition qui, à Avignon et aux alentours, s’adresse autant à des amateurs de théâtre qu’à un public moins habitué. Enfin, la scène, qui est un véritable espace de jeu où se conjuguent véracité émotionnelle et distanciation brechtienne – on peut lire sur une pancarte indicative « Critique du théâtre bourgeois » –, se veut aussi être un endroit où se posent des questions spécifiques au théâtre, mais aussi plus politiques et existentielles, qui toutes demandent à être élucidées. La fameuse lettre sur laquelle s’ouvre et se referme la représentation est un motif autour duquel se cristallisent tous les enjeux cités.

Revenons à La Mouette, qui compte parmi les plus grandes pièces du répertoire classique et qui raconte les destins contrariés d’un jeune metteur en scène désireux d’inventer de nouvelles formes, aussi orgueilleusement que sincèrement convaincu de la nécessité de produire un geste révolutionnaire, le plus authentique et le plus touchant possible, et d’une jeune et prometteuse actrice en devenir, plus prompte à se laisser influencer par les « maîtres », mais déterminée à se jeter à corps perdu dans la réalisation de son vibrant projet. Sans doute y a-t-il du Constantin chez Arne, qui le joue profondément écorché, tandis qu’une évidente part de Nina s’exprime chez Olga avec beaucoup de sincérité. L’un et l’autre se sont rencontrés à l’occasion d’une audition pour jouer ce texte, audition à l’issue de laquelle ils n’ont pas été reçus, mais tout indique que la pièce se présente comme particulièrement déterminante dans leurs parcours d’artiste. Elle trouve même un certain nombre d’échos inattendus avec l’histoire familiale de Arne. Sa grand-mère, devenue une star de la radio flamande, portait le prénom de Nina et avait rêvé d’être comédienne et de jouer ce rôle. De façon parallèle et entremêlée, l’histoire est la même pour Olga, dont le prénom sonne d’ailleurs tchekhovien. Venue d’Orléans, elle voue une admiration à Jeanne d’Arc, tout en déplorant à juste titre que cette figure historique soit récupérée par l’extrême droite. Sur scène, elle l’incarne à l’heure de la révélation, puis lors de son procès. Ses particularités étaient d’entendre des voix et de s’être faite brûlée vive. Comme une incroyable coïncidence, c’est aussi ce qu’a vécu sa grand-mère malade de schizophrénie et morte immolée par accident dans sa propre maison.

Illuminé par la véracité et l’inventivité sur le vif du jeu d’acteurs, par la musique – la belle mélancolie de Ne me quitte pas de Jacques Brel transposée au piano avec force rubato ou la mélodie crépusculaire et perlée d’Arvo Pärt dont le titre Spiegel im Spiegel (Miroir dans le miroir) dit beaucoup du sens que prend progressivement la pièce –, La Lettre est un vrai beau moment de théâtre. Pendant le Festival, ce spectacle itinérant va prendre ses quartiers dans des espaces habituellement non dédiés aux représentations théâtrales. Sa forme simplissime et transportable, inspirée de la tradition du théâtre populaire de tréteaux, ne comprend comme éléments scénographiques rien d’autre qu’une table, trois chaises et trois drapeaux. Cette économie formelle est, au même titre que le refus de mettre en scène dans son intégralité un texte classique existant, un principe fondateur du théâtre de Milo Rau, précisément défini dans le Manifeste qu’il avait rédigé en 2017 lors de son arrivée à la tête du NTGent, et qui semble toujours l’inspirer depuis qu’il a pris la direction du Wiener Festwochen, coproducteur du spectacle inscrit dans le cadre du projet Pièce Commune / Volksstück. Ce qui, de prime abord, pourrait passer pour un peu badin ou anodin – le jeu avec le public continuellement sollicité – s’avère aussi d’une profondeur inattendue, tant y affleurent autant de légèreté que de gravité. C’est sur une riche palette d’idées et d’émotions que se décline cette proposition sans prétention, non sans certaines faiblesses d’un point de vue textuel, mais d’une solidité et d’une habileté dramaturgiques qui permettent de voir se tisser et résonner entre eux des fils narratifs en apparence éclatés. C’est ainsi que La Lettre fait dialoguer le réel et la fiction, le présent et le passé, le faux et le vrai.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

La Lettre
Mise en scène Milo Rau
Texte Milo Rau et l’équipe
Avec Arne De Tremerie, Olga Mouak, et les voix de Anne Alvaro, Isabelle Huppert, Jocelyne Monier, Marijke Pinoy
Dramaturgie Giacomo Bisordi
Assistanat à la mise en scène Giacomo Bisordi, Edward Fortes
Scénographie, son, lumière, costumes et accessoires Milo Rau et Giacomo Bisordi
Assistanat costumes et accessoires Julie Louvain
Régie générale de l’itinérance Emmanuel Rieussec
Régie générale de la production déléguée Laurent Berger
Régie son Sébastien Dorne

Production Festival d’Avignon
Coproduction Éclat Centre national des arts de la rue et de l’espace public (Aurillac), Théâtre de la Manufacture Centre dramatique national Nancy Lorraine, Théâtre Silvia Monfort (Paris), Théâtre public de Montreuil Centre dramatique national, Le Canal Théâtre de Redon Agglomération Scène conventionnée d’intérêt national, CCAS Activités sociales de l’énergie, Théâtre du Champ au Roy Scène conventionnée d’intérêt national Art & Création (Guingamp), Scène 55 Scène conventionnée d’intérêt national Art & Création (Mougins), Théâtre Durance Scène nationale (Château-Arnoux-Saint-Auban), La Soufflerie Scène conventionnée de Rezé
Avec le soutien de Fondation d’entreprise AG2R LA MONDIALE pour la vitalité artistique

Durée : 1h15

Festival d’Avignon, en itinérance
du 8 au 26 juillet 2025, à 12h30, 20h ou 21h

Festival d’Aurillac
du 20 au 23 août

Théâtre du Point du Jour, Lyon
du 1er au 3 octobre

Théâtre Les Halles, Sierre (Suisse)
les 21 et 22 novembre

Scène 55, Scène conventionnée d’intérêt national Art & Création, Mougins
le 23 janvier 2026

Théâtre Silvia Monfort, Paris
du 28 au 31 janvier

Théâtre de la Manufacture, Centre dramatique national Nancy-Lorraine
du 20 au 22 mars

Théâtre Public de Montreuil, Centre dramatique national
du 20 au 30 mai

11 juillet 2025/par Christophe Candoni
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