Le gel jusqu’à la fin de l’année scolaire du budget du Pass Culture collectif, un dispositif qui permet de financer des projets et sorties culturels de collégiens et lycéens, révolte enseignants et monde de la culture qui dénoncent un « coup de massue ».
De la Comédie-Française qui se dit lundi soir « très inquiète » à un lycée de Marseille dans lequel « une grande partie des projets » culturels sont financés grâce à la part collective du Pass Culture, explique Marion Chopinet, professeure d’histoire-géographie et théâtre, la suspension de ce dispositif fait l’unanimité contre lui.
« C’est violent », commente l’enseignante après l’annonce par les rectorats en fin de semaine dernière du gel du budget alloué à la part collective du Pass Culture – pendant pour les établissements scolaires de ce Pass (qui accorde aux jeunes de 15 à 18 ans 300 euros à dépenser dans la culture). « On avait prévu de faire venir des compagnies pour mars et avril, et comme on n’avait pas fini de valider et de finaliser administrativement le projet, j’ai dû les contacter ce weekend pour leur dire que, pour l’instant, c’est terminé », ajoute-t-elle.
« On prévoit sur l’année que tous les élèves du collège assisteront au moins une fois à un spectacle de théâtre, explique Karine Nazury, principale de collège dans l’académie de Nice. Là, nous avons réussi à faire passer les troisièmes, les sixièmes et même pas la moitié des quatrièmes. Les autres seront pénalisés. » Les chefs d’établissements du SNPDEN-Unsa ont dénoncé « un hold-up ». Les parents d’élèves de la FCPE et la Peep ont demandé respectivement de « ne pas sacrifier l’accès des jeunes à la culture » et de « revenir » sur cette décision.
Situation budgétaire
Le monde de la culture est monté aussi au créneau. « En salles ce matin, on a dû renvoyer des élèves qui venaient assister à des séances » car elles n’étaient plus financées, indique Guillaume Bachy, président de l’AFCAE (Association des cinémas d’art et essai). « On ne peut pas du jour au lendemain arrêter un dispositif. »
« C’est une très mauvaise nouvelle », a réagi Ghislain Gauthier, secrétaire général de la FNSAC CGT. « La part collective du pass Culture permet à de nombreux artistes et acteurs culturels de travailler ». « C’est l’idée même du service public qui est touchée », abonde Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre Sarah-Bernhardt (ex-Théâtre de la Ville) à Paris.
Lundi après-midi, une quarantaine de personnes se sont rassemblées devant l’Assemblée nationale « contre le gel brutal du Pass culture ». « Tout ce qui était en cours de tractations [entre compagnies et établissements, NDLR] est annulé », a regretté David Ruellan, élu au Synavi (syndicat national des arts vivants).
Dispositif géré par le ministère de l’Éducation, le Pass Culture collectif devrait disposer en 2025 d’un budget de 72 millions d’euros. Mais en ce début 2025, « au regard de la situation budgétaire », il a été demandé aux rectorats « d’inciter les établissements n’ayant pas encore réservé d’action pour l’année en cours à le faire pour bloquer les crédits : 50 millions d’euros jusqu’en juin et 22 millions d’euros entre septembre et décembre », a expliqué le ministère.
« Porte de sortie »
S’en est suivi un « emballement » sur la plateforme dédiée aux inscriptions de projets, et le plafond de 50 millions a été atteint vendredi, ajoute le ministère. « Je suis restée connectée jeudi soir jusqu’à plus de 22h30 pour rentrer les derniers projets », raconte Marie Tamboura, principale d’un collège de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Mais « j’ai toute une série d’actions qui ne pourront pas se dérouler », regrette-t-elle, citant des sorties à la Cité des sciences et au Mémorial de la Shoah ou un projet avec la Comédie-Française. « C’est un coup de massue ».
La ministre de l’Éducation Élisabeth Borne a assuré lundi que « l’objectif de proposer des enseignements artistiques et culturels aux élèves » restait « intact », et annoncé que le ministère menait « un recensement des projets engagés qui n’auraient pas pu être validés pour cette année scolaire ». « Il faut que le ministère assume ses responsabilités et trouve rapidement une porte de sortie qui permette de sécuriser l’ensemble des projets qui étaient envisagés », estime Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat des collèges et lycées.
Karine Perret © Agence France-Presse
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