Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

« Rouge Pute », les violences conjugales K.O.

A voir, Les critiques, Metz, Théâtre musical
Perrine Maurin met en scène Rouge Pute de Perrine Le Querrec avec Elsa Pion
Perrine Maurin met en scène Rouge Pute de Perrine Le Querrec avec Elsa Pion

Photo Ruben Silozio

Programmé dans le cadre de la quatrième édition d’iTAK – Festival en dérives transfrontalières, porté par le Manège – Scène nationale de Maubeuge, Rouge Pute constitue par sa forme comme par son propos une déflagration. Mis en scène par Perrine Maurin, ce concert-documentaire à l’os arrache à l’invisibilisation les récits de femmes victimes de violences conjugales et fait résonner leurs émotions.

Rouge Pute : deux mots qui claquent, qui interpellent et qui retiennent. Ce titre qui ne cherche en rien à être aimable est initialement l’intitulé d’un ouvrage de Perrine Le Querrec publié aux Éditions La Contre Allée en 2020. Née en 1968 à Paris, l’autrice – qui écrit de la poésie, des romans, des pamphlets – réunit dans ce livre 51 courts textes aux titres lapidaires (agonies, guerre, vite, partir, en cachette…). Fruits d’une résidence menée de décembre 2017 à janvier 2018 à Louviers auprès de femmes victimes de violences conjugales – et l’on imagine la relation de confiance qu’il a fallu instaurer pour que ces dernières se livrent –, chacun de ces fragments à la première personne du singulier est aussi intense que bref, simple dans son vocabulaire que percutant dans son propos. Loin d’une démarche sociologique – qui chercherait à donner à voir l’influence des facteurs sociaux et culturels –, les textes creusent ce qui n’est jamais dit, ce qui n’est que rarement donné à entendre : leurs émotions, leurs ressentis, tout ce qui s’est joué intimement pour elles. À ce titre, l’adaptation sous forme de « concert-documentaire » qu’en livre la compagnie Les Patries imaginaires prolonge autant qu’elle renouvelle la puissance du texte. Ainsi, tout comme le travail d’écriture de Perrine Le Querrec réalise une sorte de métabolisation des témoignages recueillis, le spectacle et le montage imaginés par la metteuse en scène Perrine Maurin déplacent subtilement le propos, sans en dénaturer l’essence.

Pour porter cette adaptation, trois artistes sont au plateau : la jeune comédienne Elsa Pion (déjà aperçue dans des mises en scène de Simon Delétang) et le duo de musique Kapout, composé d’Antoine Arlot au saxophone baryton, Romain Aweduti à la batterie et tous deux aux machines. De ces conversations originelles avec ces femmes violentées où se disent « les décennies d’humiliations, de guerres, de tortures aux formes terrifiantes », comme elle l’écrit dans l’avant-propos de son ouvrage, l’autrice a produit un texte ramassé. Un texte que l’on reçoit comme un uppercut, une poésie à la langue triviale et tranchante, qui nomme avec le « je » les multiples formes d’incarnation de la soumission : culpabilité, perte de l’estime de soi, honte, dissimulation. Dans le sillage de cette écriture percussive, la forme du concert ici proposée est nerveuse, sans fard. Sur un plateau occupé à jardin par Antoine Arlot et à cour par Romain Aweduti, Elsa Pion, au centre, face à son micro, est vêtue simplement. Sa tenue (pantalon large, haut noir) ne vient en rien faire écran au propos, ou sur-déterminer la personnalité de cette femme. Prenant la parole d’abord seule, la jeune comédienne intime dès les premières secondes l’écoute. Par son timbre de voix plutôt grave ; par sa diction, d’où sourd une colère contenue ; par sa présence irradiante et volontaire, qui tranche avec la fragilité ou l’innocence qu’on pourrait lui accoler au vu de son jeune âge. Bientôt rejointe par les compositions des deux musiciens, Elsa Pion va porter sans jamais vaciller et avec un jeu remarquable par sa plasticité, sa précision et une forme de retenue, les différents fragments réunis.

Chaque texte dispose d’une atmosphère propre, que la composition musicale vient soutenir, amplifier. Prenant le relais des émotions, creusant les bourrasques intimes comme les espoirs, les musiques accompagnent la parole sans l’écraser. Si, dans le sillage de l’écriture sans fioritures, le spectacle est lui aussi à l’os, rien n’est étriqué ou caricatural. La forme est certes sans détour, mais elle déplie toutes les émotions traversées par les femmes victimes de violences domestiques, toutes les nuances et tous les basculements possibles d’un état émotionnel à l’autre, l’abattement face à l’indifférence. L’on passe ainsi de mélodies entêtantes à un texte scandé, du parlé-chanté à un krautrock sacrément électro et bien énervé. Là où l’ouvrage compose progressivement un chœur par la succession de ses voix singulières – tant c’est bien la répétition du même qui est à l’œuvre dans notre société fondamentalement sexiste, où les violences à l’égard des femmes sont systémiques –, le travail de mise en scène amène ici une personnification. Mais la direction d’acteurs au cordeau et son travail sur le fil entre intensité et distance, comme la forme même du concert, permettent de ne pas sur-projeter les récits douloureux sur la comédienne. Quant au montage réalisé par Perrine Maurin, il dessine également un itinéraire qui, tout en étant respectueux de ce qui innerve l’ouvrage – arracher ces voix de femmes au silence, les sortir de l’invisibilisation –, souligne l’importance de l’espoir et la possibilité d’une réparation. Sans idéalisme ni héroïsation, à mille lieues de toute esthétisation des violences subies ou de spectacularisation du pathos, cette création rappelle par son cheminement que parler, sortir de l’ombre et se défaire de la honte est une condition possible pour la reconstruction. Et que, si les souffrances sont bien réelles, les nommer et les articuler sont deux des étapes clefs pour se réparer, se redresser.

caroline châtelet – www.sceneweb.fr

Rouge Pute
Textes Perrine Le Querrec (Éditions La Contre Allée, 2020)
Mise en scène Perrine Maurin
Avec Elsa Pion, Antoine Arlot, Romain Aweduti
Regard chorégraphique Marie Cambois
Création lumière et régie générale Aurélie Bernard

Coproduction CCAM Scène Nationale de Vandoeuvre les Nancy ; L’autre Canal – SMAC de Nancy ; Kulturfabrik – Centre culturel à Esch-sur-Alzette ; Le Manège Maubeuge – Scène Nationale transfrontalière
Aide à la résidence Théâtre du Marché aux Grains à Bouxwiller, La Maison d’Elsa à Jarny
Avec le soutien de Vives – festival de créations féministes à Nancy

La compagnie est conventionnée par la Région Grand-Est sur 2024-2028.

Durée : 50 minutes

Vu en mai 2025 au Manège, Scène nationale de Maubeuge, dans le cadre du Festival iTAK

RTT – Rencontres du théâtre de témoignage, Metz
le 9 novembre

Kulturfabrik, Esch-sur-Alzette (Luxembourg)
les 25 et 26 novembre

20 mai 2025/par Caroline Chatelet
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Contrôle de Perrine Maurin
Simon Delétang met en scène Hamlet de Shakespeare au Théâtre du Peuple Bussang Au Théâtre du Peuple, Hamlet et son double
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut