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« Trust Me for a While », la terrifiante fantaisie ventriloque d’Yngvild Aspeli

A voir, Charleville Mézières, Les critiques, Paris, Théâtre
Yngvild Aspeli crée Trust Me for a While
Yngvild Aspeli crée Trust Me for a While

Photo Vincent Arbelet

Avec sa dernière création, la marionnettiste sort pour la première fois de ses grands formats habituels et expérimente l’art de créer léger pour tous types de salles. Elle fait pour cela appel à la ventriloquie, dans une brève fantaisie horrifique d’autant plus réjouissante qu’elle est nourrie d’une réflexion profonde sur la discipline.

Dans le monde de la marionnette, le nom d’Yngvild Aspeli est depuis plusieurs années maintenant parmi les plus fameux et respectés. Pour en arriver là, l’artiste d’origine norvégienne, qui, depuis sa formation à l’École nationale supérieure des arts de la marionnette (ESNAM) de Charleville-Mézières, œuvre entre son pays d’origine – elle y dirige depuis 2022 le Nordland Visual Theatre – Figurteatret i Nordland – et la France – le siège de sa compagnie Plexus Polaire est basé en Franche-Comté –, a pris le parti des grands formats dont sa discipline n’était alors, et n’est toujours pas, fort riche. Depuis son premier spectacle Signaux (2011) jusqu’à sa formidable Maison de poupée (2023), toujours en tournée, l’artiste a bâti pour habiter les plateaux de théâtre un vocabulaire pluriel où la marionnette est centrale. Elle s’est attaquée à des monstres de la littérature, tels que la pièce d’Ibsen citée plus tôt, Dracula de Bram Stoker ou encore Moby Dick d’Herman Melville. Elle a aussi largement exploré le potentiel marionnettique d’œuvres romanesques nordiques, comme La Faculté des rêves de Sara Stridsberg sur l’écrivaine et militante féministe Valerie Solanas. Avec Trust Me for a While, la metteuse en scène met en pause à la fois son tutoiement des cimes littéraires et la création de pièces suffisamment amples pour sortir du réseau des lieux dédiés à la marionnette et accéder aux grands festivals et salles généralistes.

Spectacle pour trois marionnettistes et un pantin ventriloque, destiné à se jouer dans tous types de salles, à commencer par les moins équipées, Trust Me for a While est pour sa conceptrice un retour à l’essence de sa pratique autant que l’occasion d’en transmettre ce qu’elle considère comme ses bases. Au festival Théâtre en Mai où, en tant qu’artiste associée au Théâtre Dijon-Bourgogne, Yngvild Aspeli présente les premières de la nouvelle version de sa pièce – celle-ci étant d’abord née dans un gabarit encore plus léger pour tourner uniquement en lycées –, l’extrême simplicité de la scénographie nous propulse loin de la marionnette contemporaine où la metteuse en scène évolue. Sur une scène nue, trois panneaux à roulettes arborent des rideaux aux dorures effilochées, à tel point qu’ils en deviennent suspects. Dans cette fausse déliquescence exagérée, dans cette outrance de l’esthétique du spectacle forain – et surtout des clichés qui y sont attachés –, on retrouve paradoxalement le regard de la marionnettiste contemporaine et de ses interprètes Pédro Hermelin Vélez, Mélody Shanty Mahe et Pierre Lac (en alternance avec Laetitia Labre), tous issus de la 13e promotion de l’ESNAM, dont ils sont fraîchement diplômés, et ayant à présent intégré la jeune troupe permanente du Théâtre Dijon-Bourgogne. Ce regard est toutefois loin d’être méprisant envers la forme populaire de marionnette qu’ils s’apprêtent à explorer : la ventriloquie.

La dérision avec laquelle l’équipe appréhende la ventriloquie traditionnelle n’épargnant pas la marionnette de création, Trust Me for a While fait trait d’union entre les deux approches de la marionnette qu’il convoque. L’opération a beau être nourrie de la profonde réflexion sur son art que mène Yngvild Aspeli depuis ses débuts, elle s’exprime mine de rien, avançant masquée pour le plaisir des ados, à qui se destine en priorité le spectacle, autant que des plus grands. Le jeune ventriloque qui se présente à nous en la personne de Pédro Hermelin Vélez décline, avec une maladresse visiblement feinte, l’identité de son personnage, qui lui ressemble en certains points – il est, par exemple, originaire de Colombie –, mais s’en distingue sur d’autres, notamment à l’endroit de l’excellence artistique. Contrairement au Pédro réel, qui sort de l’une des meilleures formations au monde en sa matière, le Pédro fictif affiche d’emblée sa médiocrité. Prendre la parole en public est pour lui une souffrance si manifeste qu’elle fait au spectateur le même effet que les dorures depuis longtemps passées sous lesquelles il tente d’entamer son show, marionnette en main. Sa maladresse apparaît sans ambiguïté comme un artifice assumé. En montrant malicieusement qu’il fait semblant d’être nul, Pédro Hermelin Vélez fait sentir à son public son regard critique sur la ventriloquie, à laquelle il se livre sans attendre en donnant la parole à Teddy.

Conçu et fabriqué par la marionnettiste Polina Borisova – elle est aussi à l’origine du chat très bizarre, comme hybridé avec un rat ou une autre bestiole peu attirante, qui est un autre des protagonistes du spectacle –, Teddy a tout pour rejoindre la grande famille des marionnettes ventriloques du présent et du passé. Avec ses yeux à la rondeur inquiétante et son sourire ambigu qui tranche avec ses habits de garçon comme il faut, Teddy n’est pas de la catégorie des marionnettes ventriloques imaginées sur le modèle de leur manipulateur. Il affirme une personnalité bien distincte de Pédro, un caractère beaucoup plus trempé dont on ne tarde pas à constater la perversité. C’est ainsi un rapport marionnette-manipulateur très commun dans le monde de la ventriloquie que s’approprient Yngvild Aspeli et ses jeunes interprètes, dont deux demeurent tout au long du spectacle dissimulés derrière les panneaux mobiles afin de démultiplier les illusions possibles. En s’inspirant de plusieurs figures célèbres de ventriloques qu’elle cite volontiers dans son dossier – les Anglais Arthur Worsley, Russ Lewis et Terri Rogers, par exemple, ou l’Américain Jimmy Nelson, dont la renommée tient en grande partie à la télévision –, la directrice de Plexus Polaire place pour la première fois au cœur de son travail son questionnement de l’histoire de sa discipline. La violence qu’exprime Teddy à l’égard de Pédro réveille la mémoire de bien des marionnettes ventriloques d’hier, pour prendre son chemin propre. Direction : le film d’horreur, genre accueillant pour la marionnette et la poupée, qui aiment à y prendre vie et à semer la terreur au sein des familles.

Ce choix permet à Trust Me for a While non seulement de toucher aisément sa cible adolescente, mais aussi de creuser la relation entre vie et mort inhérente à la marionnette et centrale dans toutes les créations d’Yngvild Aspeli. Laquelle en profite aussi pour donner à voir de très près son travail d’érosion des frontières entre l’humain et la marionnette, auquel l’art du ventriloque offre un terrain idéal. Avec son Teddy sanguinaire, son chat qui résout à lui seul le paradoxe de Schrödinger – il est à la fois mort et vivant, après avoir été tué, malgré lui, par Pédro – et son Pédro complètement perdu dans tout ça, la metteuse en scène parvient brillamment et avec un humour subtil à reformuler les grands axes de sa recherche. Profitant aussi de Teddy pour railler gentiment le « méta-théâtre contemporain dépressif de ces marionnettistes merdiques », Yngvild Aspeli réussit sa première création sans l’ossature d’une écriture littéraire préexistante, avec à la place une traversée personnelle de divers motifs empruntés à la culture dite « populaire », que le détour par la marionnette révèle dans toute sa richesse.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Trust Me for a While
Conception et mise en scène Yngvild Aspeli
Création Pédro Hermelin Vélez, Mélody Shanty Mahe, Pierre Lac
Avec Pédro Hermelin Vélez, Pierre Lac en alternance avec Laetitia Labre, Mélody Shanty Mahe
Collaboration à la dramaturgie Pauline Thimonnier
Assistanat à la création Aitor Sanz Juanes, Laetitia Labre, Andreu Martinez Costa
Conception marionnettes Polina Borisova
Création musicale Greg Hall
Lumières Vincent Loubière

Production Théâtre Dijon Bourgogne, Centre Dramatique National
Coproduction Plexus Polaire
Soutiens du Figurteatret i Nordland, de l’Institut International de la Marionnette dans le cadre de son dispositif d’aide à l’insertion professionnelle des diplômé·es de l’ESNAM et de l’Agence du Service Civique

Durée : 30 minutes
À partir de 15 ans

Vu en mai 2025 au Théâtre Dijon-Bourgogne, dans le cadre de Théâtre en Mai

Le Mouffetard, Paris, dans le cadre de la BIAM
les 27 et 28 mai

Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, Charleville-Mézières
du 19 au 21 septembre

Le Sablier, Centre National de la Marionnette, Ifs
les 18 et 19 novembre

Le Passage, Scène conventionnée de Fécamp 
le 21 novembre

Festival Marionnettissimo, Tournefeuille
le 23 novembre

Festival MARTO, Montrouge 
le 14 mars 2026

27 mai 2025/par Anaïs Heluin
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