Au Lucernaire, Élisabeth Chailloux adapte et met en scène les Dialogues de bêtes de Colette. Un objet sucré, intime et attachant.
Dans le répertoire de Colette, Dialogues de bêtes constitue une oeuvre sans doute moins connue que d’autres. Actrice, journaliste, figure sirupeuse et libre de la Belle Époque, l’autrice de la série des Claudine ou de L’Ingénue libertine réserve pourtant, au long de ses pages, une place à part aux non-humains. Chiens, chats, animaux de la ferme, ils ponctuent son œuvre dans des scènes bucoliques de la bourgeoisie à la campagne pour mieux parler des vices de l’homme.
Dans Dialogues de bêtes, des tableaux se succèdent et mettent en scène les échanges entre Tobby-chien, un bull paresseux et lourdaud, et Kiki-la-doucette, un chat angora prétentieux, qui jugent, commentent et prennent part à la vie de la maison. À travers leurs yeux, les rapports de leur maîtresse et de leur maître se dessinent en creux. Loin de n’être qu’une fable enfantine, l’autrice propose à travers ces dialogues un regard sensible sur le foyer, espace domestique où la femme mariée est cantonnée et d’où elle tentera de s’extraire. Chez Colette, l’écrin doucereux des maisons campagnardes cache le feu du désir d’émancipation, et les deux compères sont autant de prétextes pour évoquer, de manière tendre et amusante, le quotidien d’une femme mariée au début du XXe siècle.
C’est Lara Suyeux qui est à l’initiative de cette adaptation, mise en scène avec économie et simplicité par l’ancienne co-directrice du Théâtre des Quartiers d’Ivry, Élisabeth Chailloux. La comédienne mène tambour battant la tendre guerre entre les deux amis en se glissant dans la peau tantôt du chien empoté, tantôt du chat vaniteux, au gré de quatre saynètes. Un écrin sucré, moulé tout juste pour elle, dans lequel elle déploie son talent avec malice et précision, jappe, aboie, miaule et ronronne à tout-va. À hauteur des deux animaux, on comprend les tourments qui animent leur maîtresse, qui, tout comme Colette, est aux prises avec les frasques de son mari, Willy, et rêve de monter sur scène pour jouer la pantomime.
La candeur mélancolique qui transpire du style de Colette est retranscrite sur scène par les aquarelles réalisées en direct par Cyrille Meyer et rétroprojetées sous nos yeux. Elles viennent sublimer le récit, ici d’un décor de jardin de maison de campagne, là de l’intérieur d’un wagon en marche. Une présence scénique qui permet de déployer encore davantage la palette de jeu de Lara Suyeux, qui, espiègle, ne se prive pas d’aller déranger le dessinateur. Au sortir, Dialogues de bêtes fait office de proposition juste et honnête, qui se déguste avec gourmandise et donne l’occasion de (re)découvrir les écrits sensibles et puissants de Colette.
Fanny Imbert – www.sceeneweb.fr
Dialogues de bêtes
de Colette
Mise en scène Élisabeth Chailloux
Adaptation Élisabeth Chailloux, Lara Suyeux
Avec Lara Suyeux (jeu), Cyrille Meyer (dessin)
Lumières Olivier Oudiou
Scénographie et régie générale Simon Desplebin
Son Xavier Jacquot
Costumes Sophie SchaalProduction Théâtre de la Balance
Soutiens Théâtre de La Tempête, Théâtre Antoine Vitez – Scène d’IvryLe Théâtre de la Balance est conventionné par la DRAC Île-de-France.
Durée : 1h15
Théâtre Lucernaire, Paris
du 13 novembre 2024 au 12 janvier 2025
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