Seule en scène, Océane Mozas signe un spectacle touchant sur l’exil et la mythologie vietnamienne à partir d’un texte de Marine Bachelot Nguyen.
Il existe des petites pièces qui se jouent dans des petites salles, avec une seule comédienne ou un acteur unique, dans un décor modeste et d’une durée plutôt courte sur des sujets assez anecdotiques ; des spectacles qui n’ont franchement rien de spectaculaire, mais qui finissent par nous émouvoir, et nous habiter. Non pour leur dimension proprement théâtrale, ou dramatique, mais parce que l’on a l’impression d’avoir rencontré celles et ceux qui les ont conçus. Et, au fond, c’est déjà très bien : l’expérience de l’altérité, la découverte d’autres vies que la nôtre – pour paraphraser le titre d’un roman d’Emmanuel Carrère –, la mise en relation avec une culture étrangère. Ainsi appréhendons-nous le travail appliqué et authentique de l’autrice Marine Bachelot Nguyen et de la comédienne et metteuse en scène Océane Mozas.
Ces Deux sœurs sont en réalité quatre femmes. Celles qui appartiennent au réel : la grand-mère et la grand-tante vietnamiennes de l’autrice, l’une exilée en France dans les années 1950, l’autre restée vivre dans le Nord Vietnam ; et celles qui font partie de la légende : les sœurs Truong, connues pour avoir libéré leur pays du joug chinois il y a plus de 2 000 ans, dans une aventure tumultueuse digne d’un blockbuster, ponctué par des batailles grandioses où l’on pratique les arts martiaux et par une histoire d’amour aussi moderne que romantique. À l’héroïsme de deux femmes se conjugue la lutte pour l’autodétermination d’un peuple.
Avec ces deux fils narratifs, Marine Bachelot Nguyen tisse le personnel et l’universel, et enracine son récit familial troublé par l’exil dans la terre de ses ancêtres. Dans le fond, ces deux paires de sœurs ont peu en commun, et c’est la limite de leur association, mais, au plateau, l’entrelacs fonctionne à merveille : l’épopée donne du souffle à ces tribulations généalogiques, et Océane Mozas joue son rôle de conteuse, et une multitude de personnages, avec beaucoup de précision et de justesse. Elle est musicale, dans sa façon de faire entendre le vietnamien, ses nuances ; gracieuse, dans ses gestes et mouvements chorégraphiés ; grave, dans sa façon de camper un être aux origines mêlées, pas tout à fait françaises, pas tout à fait vietnamiennes ; et fière, car ces sœurs Truong incarnent un féminisme avant l’heure, un féminisme qui tient tête aux oppresseurs en tous genres. En quittant la salle, on se dit que les aïeules de Marine Bachelot Nguyen ont de la chance d’avoir été ainsi immortalisées. Parce que ces petits spectacles qui n’ont rien de spectaculaire ont tout de même ce pouvoir, somme toute assez magique.
Igor Hansen-Løve — www.sceneweb.fr
Deux soeurs
Texte Marine Bachelot Nguyen
Conception, écriture et interprétation Océane Mozas
Collaboration artistique Igor Skreblin
Son Aline Loustalot
Lumières Philippe Ferreira
Vidéo Manuel Rufié
Réalisation du décor dans les Ateliers de construction du ThéâtredelaCité sous la direction de Michaël Labat
Réalisation des costumes dans les Ateliers du ThéâtredelaCité sous la direction de Nathalie Trouvé, avec l’aimable collaboration de Georgia Ives
Régie générale Léo Thevenon
Régie lumière Sadock Mouelhi
Régie son Loïc Célestin
Électricienne Thelma Sanchez-BattestiniProduction ThéâtredelaCité — CDN Toulouse Occitanie
Coproduction Comédie — CDN de Reims
Avec le soutien des Plateaux SauvagesDurée : 1h
ThéâtredelaCité — CDN Toulouse Occitanie
du 14 au 23 novembre 2024Les Plateaux Sauvages, Fabrique culturelle de Paris
du 27 novembre au 7 décembreLa Comédie — CDN de Reims
du 10 au 13 décembreLa Ferme du Buisson, Scène nationale, Noisiel
le 25 janvier 2025
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