Avec C’est comme ça que don Quichotte décida de sauver le monde – Acte 2, la chorégraphe orchestre une pièce pour neuf danseuses et activistes, et déploie une utopie féministe empreinte de douceur, de combativité et de sororité.
Sur la scène, neuf femmes marchent fièrement. Elles avancent en ligne et s’allongent sur le sol. Attachée avec un shibari, Marinette Dozeville faisait résonner l’engagement féministe au creux des gestes dans son solo Là, se délasse Lilith… (2018), puis s’inspirait du poème Les Guérillères de Monique Wittig pour créer l’ensemble nonchalant AMAZONES (2021). Elle continue cette recherche dans C’est comme ça que don Quichotte décida de sauver le monde, et dévoile « deux pièces pour femmes chevaleresques » avec un groupe de danseuses et activistes. Le premier acte est créé pour l’espace public et le second pour les théâtres. Dans cet acte 2, neuf interprètes forment un ballet où jaillit une sororité aussi tendre que puissante.
Ces chevalières n’ont pas d’armes ni d’armures ni de cheval. Elles portent des shorts et des brassières noires. Leurs épaules et leurs bras sont recouverts de bandes adhésives rouges. Le tableau ressemble plus à une équipe de sport qu’à un conte médiéval. Pour quelle bataille ces guerrières se préparent-elles ? Cette armée atypique se repose plutôt. Elles sont allongées sur l’herbe, nues, les unes sur les autres, que ce soit dans un film projeté en fond de scène ou face à nous, sur le plateau, prenant la pose sur le côté, la tête lovée dans la main. À cet instant, ce sont des images mythologiques qui surgissent, sphinges élégantes, nymphes indolentes, sirènes gracieuses. Elles dessinent des fresques au sol, en s’allongeant les unes à côté des autres, formant des réseaux de corps. L’atmosphère se teinte de leur nonchalance, de leur douceur, même si la musique de Fanny Lasfargues, qui distille un paysage sonore dense et bien rythmé, parfois proche des battements d’une hélice d’hélicoptère, garde en éveil.
Empouvoirement, sororité et utopie féministe résonnent dans cet ensemble de femmes, aussi tendre que combatif. Ils jaillissent des regards complices, du toucher tendre, du soin et de l’attention qui habite cette communauté intergénérationnelle – de 23 à 61 ans – loin des stéréotypes physiques attendus chez les danseuses. La chorégraphie, misant sur la répétition de motifs – position allongée sur le côté, progression en ligne la main dans la main, entre autres –, donne à voir ces utopies sorores, qui font jaillir l’amour, la sensualité et la solidarité de ce collectif. Elles tracent les lignes des paysages de ces utopies, qui sont des écrins de leurs aventures : la suite de l’épopée du fameux Hidalgo Don Quichotte de la Mancha ? Encore une fois, Marinette Dozeville invente un monde et nous entraîne, tout en douceur, dans sa poésie, grâce à une singularité notable dans l’écriture du mouvement, dans les types de gestes, comme dans la structure du spectacle, qui fait fi de toute facilité.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
C’est comme ça que don Quichotte décida de sauver le monde – Acte 2
Chorégraphie Marinette Dozeville
Avec Delphine Mothes, Dominique Le Marrec, Flozif, Lora Cabourg, Lucille Mansas, Marie Vivier, Paola Daniele, Pénélope Estevez, Sijia Chen
Assistante mise en scène Do Brunet
Musique Fanny Lasfargues
Costumes MDLXIII, Jennifer Minard
Lumières Louise Rustan, Agathe Geffroy
Réalisation des films Frédéric Xavier Liver, Marinette Dozeville – MDLXIII
Avec Delphine Mothes, Dominique Le Marrec, Flozif, Justine Agator, Lora Cabourg, Lucille Mansas, Marie Vivier, Paola Daniele, Sijia ChenProduction Yapluka / Cie Marinette Dozeville
Coproduction Le Manège, Scène nationale – Reims ; ACB, Scène nationale – Bar-le-Duc ; Charleroi danse – Centre chorégraphique de Wallonie-Bruxelles ; Les Subs, lieu vivant d’expériences artistiques – Lyon
Soutien Aide à la résidence chorégraphique en milieu rural – Ministère de la Culture, DRAC Grand Est, Ville de Reims
Résidences Département des Bouches-du-Rhône – Centre départemental de création en résidence Domaine de l’étang des Aulnes, en partenariat avec KLAP Maison pour la danse – Marseille ; Césaré – Centre national de création musicale – Reims ; Studio D42 – Verpel ; La Briqueterie CDCN du Val-de-Marne – Vitry-sur-SeineDurée : 1h
Vu en novembre 2024 au Manège, Scène nationale, Reims
ACB, Scène nationale, Bar-le-Duc
le 21 novembre
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