Dans CERCLES, qui inaugure son compagnonnage comme artiste complice de cette 78e édition du Festival d’Avignon, le chorégraphe poursuit son travail autour de la forme collective grand format en invitant 200 amateurs et professionnels à la ronde. Un joyeux bazar qui appelle à la célébration dans une forme qui n’est pas une performance, mais bien un atelier.
Avec Sea Change, déjà, Boris Charmatz avait invité 150 habitants du Grand Manchester et huit danseurs professionnels dans les rues du coeur de la ville pour l’ouverture, en 2021, du Manchester International Festival ; une forme reprise, l’année dernière, en Allemagne, à Wuppertal, où il avait mis en mouvement 183 danseurs pour célébrer son arrivée à la tête du Tanztheater Wuppertal et marquer de sa patte la direction de la célèbre compagnie de danse fondée par Pina Bausch. Boris Charmatz semble donc prendre plaisir à utiliser la forme XXL, en conviant professionnels et amateurs dans l’espace public, comme geste introductif pour inaugurer un nouveau cycle, ici celui de sa présence comme artiste complice de cette 78e édition du Festival d’Avignon, où il présente trois créations – CERCLES, Liberté Cathédrale et Forever. Immersion dans Café Müller de Pina Bausch.
Alors que Sea Change travaillait l’alignement et la rectitude, c’est le cercle qui, dans ce dernier-né, occupe le chorégraphe. Déjà évoqué dans sa création La Ronde, en 2020, le mouvement circulaire appelle à la synergie et évoque l’héritage en commun que partagent nombre de danses folkloriques et traditionnelles partout dans le monde. En entrée libre, le public va et vient autour du stade de Bagatelle, sur l’Île de la Barthelasse, ou bien observe, intrigué, l’étrange manège qui s’y déroule depuis le pont qui enjambe le Rhône. Sur le gazon du stade, un cercle blanc est tracé où différents groupes s’adonnent à un échauffement collectif auquel le public est invité à participer. Un rôle que les plus jeunes endosseront avec plaisir, se mêlant aux montées de genoux, aux câlins collectifs, aux éclats de rire et autres gargarismes.
Lors des différents tableaux qui s’enchaînent autour de six chansons de la fanfare électro allemande La Meute, chaque groupe d’une vingtaine de danseurs se retrouve guidé par l’un des onze danseurs professionnels, dont trois du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch, qui jouent le rôle de professeurs et servent de référents et de repères dans les mouvements. Pour les quelque 200 danseurs restants ayant répondu à l’appel à participation, ils ont entre 16 et 88 ans, sont étudiants en cursus artistique ou bien n’ont jamais dansé de leur vie. Ils habitent Avignon et ses environs, ou viennent parfois de la région voisine, pour participer aux trois jours de répétitions orchestrés par Boris Charmatz et Magali Caillet Gajan. Trois jours, c’est peu pour retenir plusieurs chorégraphies. « On aurait bien aimé répéter encore un peu ! », sourit un danseur, essoufflé, mais heureux de participer à ce drôle d’atelier. Mais qu’importe le rendu : ici le travail est en cours, la création en train d’émerger.
Plusieurs mouvements d’ensemble vont ainsi s’enchaîner, guidés par Boris Charmatz au micro, qui reprend, commente, encourage et précise les actions. Tout débute au sol, lorsque les têtes se lèvent, indépendantes de leur tronc, se jaugent, hésitent, puis guident les corps vers la verticalité. Des avants-bras s’agitent et c’est parti : des duos peuvent se former en de lents et circulaires entrelacs avant de se séparer et de s’élargir en de vastes ensembles coordonnés. De larges échappées laissent entrevoir des démarches individuelles, avant que celles-ci ne laissent place à une ronde enivrante qui s’accélère jusqu’à l’implosion.
Car si le groupe est ici mis en lumière, c’est l’émergence de chaque singularité qui fait le charme de la proposition. Chaque mouvement est fait à sa mesure, chacun interprète le geste selon ses capacités. Les amplitudes divergent, des maux de dos se font sentir, les corps souffrent, certains abandonnent, des mains se tendent pour les soutenir. Des genouillères et des baskets de sport côtoient des jeans et des chemises, et dans ce vaste capharnaüm de possibilités, chacun place une intention différente : les mines sont scolaires, douloureuses, joyeuses ou bien concentrées… Tantôt, un visage s’illumine au milieu de la foule ; tantôt une colère émerge d’un mouvement. Car chacun danse aussi sa propre raison de danser.
Et si parfois la confusion intervient, que le geste est interrompu par un faux départ ou un malentendu, que des corps s’entrechoquent, se manquent parfois – le cercle n’est pas toujours un espace facile à appréhender –, c’est bien l’absence d’attente de résultat qui fait la beauté du geste et permet de savourer le mouvement en train de se bâtir. La synergie appelle à la joie et le joyeux bazar du groupe au travail à la célébration, pour ouvrir cette 78e édition du Festival d’Avignon.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
CERCLES
Conception Boris Charmatz
Avec Régis Badel, Guilhem Chatir, Ashley Chen, Olga Dukhovna, Çağdaş Ermiş*, Julien Gallée-Ferré, Simon Le Borgne*, Johanna Elisa Lemke, Azusa Seyama-Prioville*, Asha Thomas, Solène Wachter (*danseuses et danseurs du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch)
Et la participation de Nadia Abid, Laure Adler, Stéphanie Adou, Kyann Aghsaei, Justine Agalor, Alain Alfonsi, Tara Arigela, Marie-Laure Arouna, André Attia, Théo Aucremanne, Celine Balduini, Myriane Baret, Nour Batailh, Arnault Beghin, Swan Bélémy, Ludivine Bertrand, Adrian Blancard, Nicole Blanloeil, Thibaut Boidin, Agnes Bonnet L’Homme, Noémie Boplé, Angélique Bosdeveix, Elsa Bouillanne, Sylvain Bouillet, Amal Boukrime, Eugénie Bourdeau, Caroline Boutin, Émilie Bouyssou, Jean-Baptiste Braud, Thomas Braus, Jean-Marc Brune, Léa Buisson, Marine Burgevin, Ana Calero, Vincent Chaudanson, Ariane Chauprade, Jeanne Chauvin, Louise Chenneviere, Anastasia Coudron, Elisabeth Cozian, Alain Creste, Emanuela Croce, Claudine Dall Orso, Christine De Lavigerie, Bruno Debize, Sophie Dejode, Claudine Deladerriere, Antoine Delepiere, Delphine Demangeon, Stéphanie Dessales, Manon Devauchelle, Catherine Driessens, Magali Ducros, Aurélie Dufresne, Maxime Dupont, Marlène Dupuy, Stéphanie Dussine, Choumicha El Azzaoui, Nezha El Haloui, Nicole El Medioni, Aurélie Fardel, Jean-Marc Fauré, Joelle Faye, Julien Febvre, Nina Flores, Jade Formosa, Sabine Garcia, Marina Gato, Marie Genoud, Sandra Genre-Grandpierre, Marie-José Giacomelli, Camille Gillet, Olivier Giordana, Flavie Giret, Eda Gjelstrup, Stéphane Goasmat, Colette Gosse, Fabrice Gottini, Gladys Goudou, Audrey Goukassian, Lilou Gourdant, Mélina Gremeaux-Barbuscia, Laetitia Grimaldi, Florence Grundeler, Léna Guessab, Myriam Guibert, Robin Guivarc’h, Clarisse Guy, Noémie Guyot, Pascal Hamant, Timothée Hamel, Sami Hamida, Leila Hamidaoui, Lucie Hansberger, Suzanne Henry, Patricia Horváth, Cecile Huet, Arnaud Jacquin, Céline Joliot, Maya Kawatake Pinon, Vincent Kedinger, Stéphanie Kuntzelmann-Valette, Frederic Labarre, Véronique Lacroix, Sylvain Lamothe, Ghislaine Lamy, Helene Langlet, Eliora Larès, Sébastien Lauro Lillo, Marie Yannick Le Borgne, Olivier Le Corroncq, Mona Le Fur, Jessica Le Pape, Vincent Ledieu, Marc Legrand, Violette Legrand, Natacha Liège, Catherine Liotier, Mado Lizzi, Jean-Marc Lopez, Lise Lopez, Christophe Loridan, Viviane Loridan, Sophie Lucarotti, Julia Maïnetti, Mireille Majourel, Marion Malbrun, Elisa Manke, Claire Mayot, Magali Mazars Veillé, Zahra Mechergui, Stanley Menthor, Éloïse Mercier, Lucie Merle, Valeria Micheli, Chantal Monnier, Célia Morel, Claudia Niro, Lucile Notin-Bourdeau, Jenjac Pabion-Debaret, Félix Paré, Camille Pedrielli, Luc Pelletier, Matthias Pingel, Sandrine Plagne, Cathy Pollini, Rachel Poulenard, Dominique Poupinet, Sandrine Ragusi, Parisa Rasouli, Lucas Resende, Veronika Reva, Arsène Richard, Nathalie Richard, Christian Riou, Bernadette Roche, Amélie Rodier, Céline Rodriguez, Yoann Rollo, Joanna Rommelaere, Julien Ronzon, Lola Roussin, Jonas Roux, Claire Ruppli, Enzo Russo, Christine Satrin, Patrick Sauthier, Bernar Sentucq, Emmanuelle Sokolowski, Thomas Soldano, Hélène Solère, Marie-Anne Steiner, Delfina Stella, Jean Pierre Strauch, Marion Sutre, François Tardy, Alexandre Tessier, Claire Thiriet, Hugo Tippett, Eric Tourneur, Jacques Touzain, Alina Tskhovryebova, Matthew Van Oss, Florence Vasseur, Violaine Vezolle, Gilles Viandier, Céline Victoria, Pauline Vincent, Smila Vita Hoppe, Marie Vonderscher, Carlota Weber, Catherine Yelnik, Akima Zerourou, Abdeslam Zhiri, Lina Zhiri
Assistanat à la chorégraphie Magali Caillet Gajan
Musique Meute
Régie générale François Aubry « Moustache »
Régie son Périg MenezProduction Tanztheater Wuppertal Pina Bausch + Terrain
Coproduction Pina Bausch Zentrum (Wuppertal), Festival d’Avignon
En partenariat avec le Centre national de danse contemporaine d’Angers
Avec le soutien de Kunststiftung NRW (Düsseldorf), Stadtsparkasse Wuppertal, la ville de Wuppertal, Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Ministère de la Culture Drac Hauts-de-France, Région Hauts-de-FranceDurée : 2h
Festival d’Avignon 2024
Stade de Bagatelle
les 29, 30 juin et 1er juillet, à 18h
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