Sur la scène du Palais-Royal, Estelle Meyer incarne une Sarah Bernhardt au panache retentissant, d’un charme indescriptible. Écrite et mise en scène par Géraldine Martineau, L’Extraordinaire Destinée de Sarah Bernhardt ne tend pas à glorifier le mythe, mais à toucher l’essence de cette femme guidée par son désir insubmersible de liberté.
Le défi était de taille, le sujet d’époque et théâtral en diable. Une artiste phénoménale, une femme d’exception, un monument du patrimoine que le grand public redécouvrait il y a quelques années à l’occasion de cette fabuleuse exposition au Petit Palais qui permettait d’en appréhender les multiples facettes insoupçonnées. La vie de Sarah Bernhardt fut passionnante. Sa personnalité, rebelle et flamboyante. En faire un spectacle semblait une évidence, mais les écueils étaient nombreux, à la hauteur de sa célébrité et des attentes. Une icône appartient à tout le monde. On y projette ses propres rêves, ses espoirs, ses ambitions. Sarah Bernhardt était une femme si libre qu’il n’était guère envisageable de l’enfermer dans un simple biopic, d’en faire le tour à coup de dates historiques et de chronologie sage. Géraldine Martineau s’est emparée du monstre sacré à sa façon, fantaisiste et virevoltante, extrêmement documentée, mais sans jamais peser. On y suit la vie de la Divine, depuis sa scolarité au couvent de Grandchamp jusqu’à ses funérailles grandioses, comme l’on butinerait d’une période de son existence à une autre, avec entrain et légèreté, malgré les drames traversés. Il règne dans ce spectacle foisonnant de couleur, cousu d’humour et de musique, une vitalité propre à témoigner des élans et de l’impétuosité de cette femme à l’audace renversante.
Dans l’écrin cocon du Théâtre du Palais-Royal, ornementé de moulures et dorures, de fresques et lustres éclatants, décor parfait à cette destinée sous les feux de la rampe, le rideau lourd et rouge de velours s’ouvre à peine pour laisser passer la comédienne en avant-scène : Estelle Meyer, visage ouvert, regard malicieux, s’avance face au public assemblé et se présente d’emblée. Sarah Bernhardt c’est elle. Pas de doute là-dessus. La comédienne traverse le spectacle en état de grâce. Elle fait corps avec le mythe sans jamais chercher à ressembler à son modèle, sans artifices, sans calque. Ce qu’elle incarne avec une virtuosité stupéfiante, c’est sa fascinante aura, ses volte-face, ses réparties qui claquent et son irrévérence, son mordant et sa nécessité criante d’être libre à tout prix. Elle passe par toute la gamme émotionnelle sans jamais forcer le trait, impériale dans ses emportements, bouleversante dans ses tragédies intimes, épatante, toujours, dans sa bravoure et sa faculté à aller de l’avant. Sa vie est une succession de rebondissements, de changements de cap, de départs tonitruants. Sa liberté force le respect.
Accompagnées en live par Bastien Dollinger au piano et à la clarinette et par Florence Hennequin au violoncelle, les scènes se succèdent dans une fluidité admirable, comme un livre d’images, un éventail de tableaux chorégraphiés avec minutie où les corps expriment autant que les mots grâce au beau travail de Caroline Marcadé. Signée Simon Dalmais – avec Estelle Meyer pour les chansons –, la partition musicale donne le ton, déploie des ambiances tantôt graves tantôt enjouées, tandis que l’évolution du décor, des quatre murs du couvent au salon du domicile familial, des plateaux de la Comédie-Française et de l’Odéon jusqu’aux grands espaces de l’Amérique, raconte son envol, son goût de l’inconnu et son envie d’en découdre, toujours, avec l’art, la vie, les grands rôles et les auteurs de son temps, Victor Hugo, Edmond Rostand ou Sacha Guitry. Les costumes sont d’une beauté folle, ils participent activement à la superbe de l’ensemble. Et les chansons qui ponctuent les moments phares sont des perles, des instants suspendus, des épiphanies de poésie. Qu’elle joue ou qu’elle chante, Estelle Meyer a le panache requis pour le rôle et cette capacité surprenante à varier les intensités dans l’instant. Le reste de la distribution lui tient bonne compagnie. Mention spéciale à Sylvain Dieuaide qui interprète son fils Maurice à différents âges avec un bel engagement et une jolie dose d’espièglerie.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
L’Extraordinaire Destinée de Sarah Bernhardt
Texte et mise en scène Géraldine Martineau
Avec Estelle Meyer, Marie-Christine Letort, Isabelle Gardien, Blanche Leleu, Priscilla Bescond, Adrien Melin, Sylvain Dieuaide, Antoine Cholet, Florence Hennequin, Bastien Dollinger
Scénographie Salma Bordes
Lumière et vidéo Bertrand Couderc
Costumes Cindy Lombardi
Composition musicale Simon Dalmais, Estelle Meyer
Chant Estelle Meyer
Chorégraphie Caroline Marcade
Perruques et maquillages Judith Scotto
Collaboration artistique Sylvain Dieuaide
Assistante Elisabeth Calleo
Son Antoine ReibreProduction Théâtre du Palais-Royal
Avec le soutien du Fonds SACD / Ministère de la Culture Grandes Formes ThéâtreDurée : 1h45
Théâtre du Palais-Royal, Paris
du 27 août au 31 décembre 2024
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