Louis Langrée dirige salle Favart à l’Opéra Comique de Paris, un diptyque regroupant Pulcinella de Stravinsky et L’Heure espagnole de Ravel mis en scène par Guillaume Gallienne sans trop de verve ni de folie.
Coupler Pulcinella, le ballet avec lequel, en 1920, Stravinsky lance sa période néo-classique en revisitant des morceaux d’origines éparses composés par Pergolèse émaillés de quelques airs chantés en Napolitain, et L’Heure espagnole, tout premier opéra de Ravel aussi qualifié de comédie musicale pour sa forme et son esprit légers, revient pour le directeur de l’Opéra‑Comique (et chef d’orchestre de la production) à faire le choix de mettre en valeur ce qu’il nomme l’« esprit Favart », c’est à dire la libre conjugaison des différents arts scéniques que sont la danse et l’opéra, et porter haut leur forte théâtralité.
C’est pourtant sur le plan scénique que le spectacle peine à convaincre, tandis que musicalement, les deux opus sont superbement défendus en fosse par l’Orchestre des Champs-Élysées. Tout en finesse chez Stravinsky, plus déluré et rutilant chez Ravel, l’ensemble fait rivaliser des sonorités diurnes et soyeuses avec les fiévreux accents d’espagnolades à la sensualité échevelée. Sans brider les musiciens, Louis Langrée assure avec autant d’attention que de passion l’exactitude rythmique et mélodique de cette partition horlogère. Extraite de la pure tradition comique de la Commedia dell’arte, la figure haute en couleur de Polichinelle donne son titre au premier ouvrage, Pulcinella, tandis que le second, a pour intrigue plutôt succincte une trame boulevardière au cours de laquelle les amants ne sont pas enfermés dans des placards mais dans des pendules continuellement déménagées. Assurément, les deux pièces promettaient de faire advenir le rire. Mais confiée à Guillaume Gallienne, comédien inventif, dramaturge brillant, mais metteur en scène assez ennuyeux, leur représentation peu audacieuse et pas si enjouée passe pour mièvre, affadie.
Interprété par le danseur Oscar Salomonsson, luxueusement accompagné par la rayonnante Alice Renavand dans le rôle de sa fiancée, Pulcinella a refourgué ses losanges bigarrés pour un bien sombre costume noir méridional, comme il semble avoir rangé sa vivace alacrité. La danse que lui a concocté Clairemarie Osta, lorgne élégamment, mais assez sagement, du côté de Jerome Robbins. Il manque l’esprit rieur et farceur du personnage dont l’humeur spleenétique et l’allure nonchalante seraient plutôt celles d’un Pierrot. Dessiné sous les traits d’un jeune vagabond solitaire pétri d’une mélancolie rêveuse, Polichinelle peine à vraiment montrer son visage de diablotin séducteur dont toutes les filles sont amoureuses et les prétendants jaloux.
L’heure est davantage à la drôlerie et l’espièglerie dans la seconde partie. Grâce au plateau vocal dominé par Stéphanie d’Oustrac qui incarne une Concepción au timbre solaire et au sang chaud. Le chant comme le jeu paraissent très assumés, et même un peu outrés, de sorte à volontiers casser l’impression générale de lissage que donne la représentation un brin timide à s’emparer d’un objet dont le sujet est le désir sexuel porté à ébullition. Ses soupirants, certes galants mais surtout encombrants, ne sont pas moins que trois à lui tourner autour comme des aiguilles de pendules. Nicolas Cavallier, en vieux barbon ridicule, Jean-Sébastien Bou, serviable et musculeux muletier, et Benoît Rameau en poète lyrico-exalté prennent, comme Philippe Talbot en mari trompé, un malin plaisir à marier l’excellence de leur chant, la clarté de leur diction très soignée, et un goût du jeu bien prononcé. Dommage que le spectacle ne les invite davantage à s’affranchir de conventions un peu datées.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Pulcinella | Ballet avec chant en un acte, musique d’après Pergolèse. Créé À l’Opéra de Paris le 15 mai 1920.
L’Heure espagnole | Comédie Musicale en un acte, Livret de Franc-Nohain. Créée à l’Opéra-Comique le 19 mai 1911.Direction musicale, Louis Langrée • Mise en scène, Guillaume Gallienne • Chorégraphie, Clairemarie Osta • Orchestre des Champs-Élysées
Pulcinella | Solistes, Camille Chopin, Abel Zamora et François Lis • Danseur·euse·s, Oscar Salomonsson, Alice Renavand, Iván Delgado, Manon Dubourdeaux, Anna Guillermin, Stoyan Zmarzlik
L’Heure espagnole | Avec Stéphanie d’Oustrac, Philippe Talbot, Benoît Rameau, Jean-Sébastien Bou, Nicolas Cavallier
Durée 2h10 – entracte compris
Opéra Comique
du 9 au 19 mars 2024
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