Campant une jeune étudiante de 18 ans déterminée à ne pas subir la grève déclenchée par ses camarades, Adélaïde Bigot nous avait émerveillé aux Francophonies de Limoges en septembre dernier dans Zoé. Portrait d’une jeune comédienne au talent très prometteur.
Son personnage était assurément à contre-courant des mouvements de pensée agitant habituellement le théâtre : individualiste, têtue, préférant privilégier son propre destin plutôt que d’embrasser la « cause commune », Zoé, alias Adélaïde Bigot, déployait une réflexion lumineuse sur le défi de l’existence grâce à un dialogue avec son professeur de philosophie. La pièce d’Olivier Choinière, mise en scène par Hassane Kassi Kouyaté, et programmée aux Francophonies de Limoges (Haute-Vienne), était portée très haut par une comédienne tout juste sortie d’école, au talent déjà très prometteur.
Dans la vraie vie, Adélaïde Bigot a 27 ans. Elle est diplômée de l’Académie de l’Union, l’école de théâtre du CDN de Limoges, et a « très envie d’apprendre » comme elle nous le répète au téléphone. Cette voix engageante et chaleureuse fait transparaître à l’autre bout du fil une forte envie de théâtre. Sur scène, l’impression est confirmée. Adélaïde Bigot aime jouer. « Je suis très curieuse, je souhaite me confronter à tout », décrit la comédienne. Des projets, elle n’en manque pas : spectacle pour jeune public créé avec des camarades de promo, Zoé, donc, programmé aux Francophonies de Limoges, ainsi qu’une nouvelle création d’Aurélie Van Den Daele (la directrice du Théâtre de l’Union) en mars 2024 et un statut de comédienne permanente/temporaire au théâtre du Nest, à Thionville (Moselle)… « on peut dire que j’ai de la chance, je n’ai pas encore eu de moments
creux. »
Née d’un père agriculteur et d’une mère agente technique de mairie, Adélaïde Bigot a grandi dans un village de Basse-Normandie, près de Cherbourg (Manche). L’été, les festivals de musique, ou de théâtre de rue, occupent la jeune femme. « Mes parents ne sont jamais vraiment allés dans des salles de théâtre, mais ils sortaient beaucoup et m’emmenaient avec eux. » Dans ses premières années, Adélaïde Bigot vit sans internet. Puis, lorsque le foyer est raccordé au réseau, l’adolescente se met à regarder des dizaines de films : « j’ai été prise d’une frénésie. C’est comme ça que j’ai commencé à m’intéresser au théâtre. » Adolescente dissipée – « je parlais fort », confie-t-elle – elle s’oriente sur les planches grâce à une association présente dans son village. L’expérience lui plaît. A 14 ans, Adélaïde Bigot choisit de partir à Cherbourg pour intégrer un lycée proposant une option théâtre. « Mes parents m’ont toujours encouragée », dit-elle. Huit heures de cours par semaine avec, au programme, Racine, Corneille, Molière, Feydeau mais aussi Joël Pommerat, Jean-Luc Lagarce, ou encore Maguy Marin. La jeune femme bâtit sa culture grâce à l’école. « Mes professeurs nous emmenait régulièrement en bus voir des pièces. Je me souviens avoir assisté à une représentation du spectacle Le village en flammes de Fassbinder, mis en scène par Yann Dacosta. C’était trash, violent. J’avais besoin de voir ça. » A 18 ans, l’étudiante quitte sa Normandie natale pour une région opposée : l’Alsace. Adélaïde Bigot suit une copine, et débarque à Strasbourg. « Grâce aux tarifs étudiants très abordables, je sortais presque tous les soirs voir des pièces. » Alors étudiante en licence d’arts du spectacle, elle intègre, une fois son diplôme obtenu, le conservatoire. Direction ensuite Limoges.
Aujourd’hui terminée, sa formation à l’Académie de l’Union n’a rien abîmer de cette envie de théâtre qui habite la grande blonde. « Ce qui me plaît dans le fait d’être comédienne, c’est le dépassement de soi. Le théâtre permet de se confronter à une autre partie de soi-même, d’en apprendre plus sur notre nature en tant qu’être humain. Et puis, le théâtre c’est vivre un instant présent unique avec le public. » Lorsqu’elle était plus jeune, Adélaïde Bigot rêvait d’un métier qui la sorte du lit et lui donne le sourire. C’est désormais chose faite. Le théâtre est arrivé. On connaît l’histoire…
Kilian Orain –www.sceneweb.fr
Le palmarès 2023 de Kilian Orain
Meilleure mise en scène : Katja Hunsinger & Rodolphe Dana pour Cyrano de Bergerac
Meilleure comédienne : Marion Lambert dans Douchka de Sébastien Amblard
Meilleur comédien : Simon Falguières dans Morphé
Meilleure autrice : Carolina Bianchi pour A Noiva e o Boa Noite Cinderela
Meilleur seul-en-scène : The One Dollar Story avec Sophie Desmarais
Révélation : Adélaïde Bigot dans Zoé d’Olivier Choinière mis en scène par Hassane Kassi Kouyaté
Spectacle le plus innovant : La Germination de Joris Mathieu
Meilleur spectacle de cirque : Oraison de Marie Molliens
Mention spéciale à Hamlet mis en scène par Chela De Ferrari
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