Pour sa dernière création Témoin, le chorégraphe Saïdo Lehlouh, issu de la danse break et membre du collectif FAIR-E à la tête du CCN de Rennes, fait exploser les gestes de vingt pointures des danses urbaines, dans un ballet qui dessine les contours d’une esthétique post-hip-hop.
Une atmosphère froide envahit la scène. Une douche de lumière blanche recouvre vingt interprètes sur la scène. Ils se tiennent face au public, immobiles, occupant la moitié de la scène à jardin. Dans l’autre moitié un danseur freestyle. On les imagine dans un grand hangar, figuré par la hauteur de la scène du Théâtre de la ville.
Aux manettes de cette pièce aux allures monumentales, il y a Saïdo Lehlouh, membre du collectif FAIR-E, à la tête du Centre chorégraphique de Rennes et de Bretagne depuis 2019. Breaker depuis ses quinze ans, il est entré dans les scènes contemporaines avec la compagnie Black Sheep, qu’il monte en 2015 avec sa comparse Johanna Faye. Aux côtés d’artistes issus du hip-hop, comme Linda Hayford et Iffra Dia, il entend faire dialoguer au sein de ce collectif la diversité de leurs esthétiques, qui ont germé dans un terreau commun. Nourri par cette volonté de diversité au sein d’une même communauté, Témoin rassemble vingt stars des danses urbaines, donnant un nouveau visage aux écritures hip-hop.
On sent quelque chose de l’ordre de l’éruption, du jaillissement dans ce ballet d’étoiles (c’est le terme employé sur la feuille de salle pour qualifier les interprètes). Parmi les corps statiques, évoquant les arbres d’une forêt ou les stèles d’un cimetière, les gestes explosent les uns après les autres, un saut, une figure au sol, une ondulation liquide du buste.
Cette nouvelle création de Saïdo Lehlouh tranche avec les modes d’expositions connus des danses de la marge (notamment les danses urbaines ou de club) dans les théâtres. Ici, le hip-hop ne semble pas s’adapter pas à une spectacularité contemporaine ; il n’érige pas la virtuosité des interprètes en sujet de la pièce ; il ne tente pas non plus d’invoquer “l’esprit” ou l’histoire du hip-hop sur scène. Ce n’est pas non plus le charisme, l’individualité et la spécificité de chaque danseur et danseuse qui est au centre, bien que ces qualités soient présentes dans Témoin.
Le vocabulaire propre aux danseurs et danseuses qui travaillent le freestyle, à l’instar de leur attaque franche du mouvement (lancé de bras, ou des steps ou sol par exemple), la manière dont les gestes se répondent, du tac au tac, leur capacité à prendre possession de l’espace, à créer un terrain de jeu personnel, sont moteurs de la dramaturgie. Ils créent des contrastes, des ruptures, mais tracent aussi des formes dans l’espace, miment des déplacements de foule, masse qui se transforme et s’adapte ou recréent le cercle des battles ou cypher.
Saido Lelouh impulse-t-il un nouveau moment dans les danses contemporaines d’influences urbaines ? Une ère post-hip-hop ? Parmi les sonorités atmosphériques qui imprègnent le paysage, un sample du tube de rap Retour aux pyramides (1997) du groupe X-men revient encore et encore. Une manière de montrer de là d’où l’on vient, tout en traçant des voies pour le futur ?
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Témoin
Chorégraphie : Saïdo Lehlouh
Interprétation : deux équipes de 20 danseur·ses en alternance
Equipe Feu : Ilyess Benali, Kaê Brown Carvalho, Hugo Burtel, Hugo De Vathaire, Étienne Desseauve, Sofian « Double So » El Bakouri, Dylan Eusebe, Chris Fargeot, Aliashka Hilsum, Oscar Lassus, Timothée Lejolivet, Anaïs Mauri, Mulunesh aka Wrestler X, Mounia Nassangar, Yonas Perou, Lumi Sow, Thieu
Equipe Eau : Ndoho Ange, Mehdi Baki, Audric Chauvin, Marina de Remedios, Jerson Diasonama, Johanna Faye, Evan Greenaway, Théodora Guermonprez, Linda Hayford, Karim Khouader, Odile Lacides, Timothy Nguyen, Matteo Raoelison, Mathias Rassin, Rissc aka Princess Wrestler, Émilie Spencer, Raphaël Stora, Lorenzo Vayssière
Lumières : Tom Visser
Son : NSDOS
Régie son : Hugo Sempé
Costumes : Johanna Faye
Directrice de production : Céline GalletUne création de la Cie Black Sheep
Production : Collectif FAIR-E / CCN de Rennes et de Bretagne
Coproduction : Théâtre de la Ville-Paris, Théâtre National de Bretagne, Maison de la Danse, Lyon – Pôle Européen de Création, Le Cratère – scène nationale d’Alès, Kampnagel (Hambourg), Charleroi danse, centre chorégraphique de Wallonie – Bruxelles, Château Rouge – Scène conventionnée – Annemasse
Accueil en résidence : Théâtre National de Bretagne, Théâtre de la Ville-ParisTout public à partir de 6 ans
Durée : 55 minutes
Création le 14 octobre 2023
Charleroi danse, centre chorégraphique de Wallonie – Bruxellesdu 1 au 3 février 2024
Théâtre National de Bretagne, Rennesdu 24 au 27 février 2024
Théâtre de la Ville-Parisdu 3 au 5 avril 2024
Maison de la danse, Lyon9 et 10 avril 2024
Château Rouge, Scène Conventionnée à Annemasse21 mai 2024
Espace Michel-Simon • Noisy-Le-Grand
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