Stéphanie Aflalo fréquente le Studio de formation théâtrale de Vitry-sur-Seine puis le Cours Florent. Comédienne dans les spectacles de Yuval Rozman (Ahouvi, The jewish Hour…), mais Stéphanie Aflalo est aussi autrice-compositrice-interprète-metteuse-en-scène-pianiste. Dans L’amour de l’art (qui sera repris en janvier 2024), elle détourne les discours sur l’art avec facétie. En cette fin d’année, elle créée à Lille son Live (avant le Théâtre de la Ville en février 2024). Voici son Soir de Première.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Non. Pendant longtemps, je me suis forcée à me mettre artificiellement dans des états de trac, à cause de l’adage selon lequel les grand.es acteur.ices auraient toujours le trac avant de jouer, que ce serait même à ça qu’on les reconnaît.
Pour moi, le trac est lié à une surestimation du danger qu’il y a à être sur scène, et à une sur-sacralisation de la pratique théâtrale. Il fait à mon sens partie des nombreux mythes qui entourent la profession, qui participent à l’idée que faire du théâtre est une activité extrêmement difficile et donc réservée aux professionnel.les.
J’aborde depuis quelques années ma pratique avec beaucoup plus de légèreté. Je me dis : même si c’est la catastrophe, même si je suis moins vive ou inventive que la veille, même si je me chie dessus, rien de grave au final. C’est du spectacle vivant, après tout. Je pense qu’il est important de se respecter, de ne pas se traiter comme une machine ou un employé, de dissocier la performance scénique de la performance sportive ou entrepreneuriale, entendue comme réussite ou comme rendement.
Je ne dis pas que je ne ressens aucune peur, mais disons que j’essaye de l’observer avec distance et ironie, sans y accorder trop d’importance, avec la conscience que cette peur est un jeu que je mets moi-même en place pour donner de l’enjeu et de l’importance à l’événement de la représentation. J’associe aux premières des émotions positives, la joie de sortir de l’isolement, de partager mon travail.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Cela dépend des spectacles. Généralement, il reste toujours des petits réglages techniques à faire, et c’est à ça que je dédie ma journée. J’essaye toujours de m’économiser, de ne pas vraiment jouer dans la journée, d’en garder sous le pied pour le soir.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Non.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Je ne me suis jamais vraiment dit « je veux faire ce métier », je l’ai fait, et je renouvelle régulièrement les raisons de continuer à le faire. Petite, je voulais être chanteuse. Ado, je voulais être pianiste concertiste, mais heureusement, on m’en a dissuadée à temps, en m’expliquant diplomatiquement que je n’avais pas le niveau suffisant pour y prétendre.
Premier bide ?
J’ai une mémoire qui pratique très bien le tri sélectif alors je n’ai pas de souvenir de bide. En plus, dans mon jeu, j’aime toujours jouer avec l’échec, la possibilité du « bide », alors même si je me prenais un « bide », j’aurais toujours l’illusion que telle était ma volonté. Tant que je suis fière de mon travail, je me sens relativement indépendante du jugement des spectateur.ices.
Les seules fois où j’ai souvenir d’avoir vécu une forme d’asservissement au regard de l’autre, c’était en passant les concours d’entrée des écoles nationales de théâtre, où la sensation d’être épiée et jugée me faisait perdre mes moyens.
Première ovation ?
Pas de bide, pas d’ovation. Un parcours finalement assez tranquille…
Mais ça m’est arrivé plusieurs fois, en plein spectacle, que les rires du public se muent en applaudissements, la dernière fois, c’était en plein milieu de L’Amour de l’art.
Premier fou rire ?
Quand j’étais au Studio de Formation théâtrale de Vitry-sur-scène, Florian Sitbon avait mis en scène les élèves dans Le Dragon d’Evgueni Schwartz. A la fin du spectacle, l’un de nos camarades, au lieu de dire « Il faudra tuer le dragon en chacun de nous » a dit : « Il faudra tuer le point de croix en chacun de nous. » L’absurdité de l’erreur était irrésistible, et avec ma copine Valentine, nous avons plongé derrière la table présente au plateau, et tenté, pendant plusieurs longues minutes, de maîtriser notre douloureuse hilarité.
Depuis, je m’autorise tout sur le plateau, y compris le rire, alors ça ne peut plus prendre la forme incontrôlable du fou rire produite par l’interdit.
Premières larmes en tant que spectateur, spectatrice ?
Les toutes premières, impossible de m’en rappeler. Mais les spectacles de Warlikowski m’ont souvent fait pleurer.
Première mise à nue ?
Mise à nue littérale, jamais.
Mise à nue figurative, Quatuor Violence de Florian Pautasso.
Première fois sur scène avec une idole ?
Ce n’est pas arrivé. Mais je suis souvent fan de mes partenaires de jeu.
Première interview ?
Une micro interview sur Radio campus en 2014 je crois.
Premier coup de cœur ?
Marina Abramović, découverte en spécialité art au lycée.
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