La compagnie des Hauts-de-France propose dans le Festival Off d’Avignon une enquête haletante, inspirée d’un fait divers réel.
On est habitué à voir le genre du polar dans les salles de cinéma ou les librairies, moins sur les planches où il s’invite jusqu’au 23 juillet prochain à La Factory, salle Tomasi, avec Aveux de la compagnie Diptyque théâtre, programmée dans le Festival Off d’Avignon. Mona El Yafi, à l’écriture et dans le rôle de la commissaire, et Ayouba Ali, à la mise en scène, signent tous deux cette pièce inspirée de faits réels, dont la matière première est directement puisée dans le livre Vertiges de l’aveu (éd. Stock), sorti en 2016 et écrit par Julie Brafman, chroniqueuse judiciaire au quotidien Libération.
La nuit bat son plein lorsque Lénaïk Karvelec (Cindy Girard) compose à 4 heures du matin le numéro de la police. La demande est urgente. La femme, vierge de tout soupçon, s’apprête à passer aux aveux à propos d’un drame non élucidé. Lorsque la commissaire en charge de l’enquête et un officier (Zachary Lebourg) débarquent au cimetière de Port-Blanc, Lénaïk se tient près du tas de terre recouvrant une sépulture qui attend sa pierre tombale. La défunte n’est autre que la belle-mère de Lénaïk, dont le corps a été retrouvé calciné, sans aucun témoin ni trace ADN pour élucider l’affaire. Ces confessions s’apprêtent donc à relancer l’enquête de police jusqu’ici au point mort. À un détail près : Lénaïk livre un récit partiel, tissé de multiples zones d’ombre, et semble peu encline à apporter plus de précisions.
Comme des enquêteurs, Mona El Yafi et Ayouba Ali explorent ce moment souvent décisif dans les affaires judiciaires, où un témoin, un suspect ou un individu insoupçonné décide de passer aux aveux et de livrer sa vérité. Devant l’absence de preuves suffisantes et d’éléments tangibles, les aveux revêtent une importance capitale, quasi-véridique. Chacun, parties civiles, juge ou policiers, doit alors composer avec cette version des faits et se faire sa propre vérité. Ces questions primordiales qui pointent en creux le rôle de la justice – celui de rétablir les faits ou bien de juger en l’absence de preuves concrètes, et donc avec la part d’erreur que cela comporte – infusent de bout en bout le spectacle.
L’autre dimension tient de la psychologie. Mona El Yafi nous plonge dans le psychisme des personnages, policiers comme suspecte, sondant les ressorts intimes de chacun. Le spectateur, lui, assiste à un millefeuille de questions, où se superposent, couche après couche, les éléments d’une enquête qui se diffracte au fur et à mesure. Aveux devient alors une gigantesque exploration où chaque pas, chaque avancée, s’effectue sur un terrain instable, rendant toute recherche vertigineuse. Le plateau se transforme alors en champ de bataille, miné par une quête obsessionnelle de la vérité, qui enferme la commissaire dans une quasi-paranoïa et nourrit un suspens tenu de bout en bout par le remarquable trio de comédiens. Devant cet enchevêtrement de pistes, de versions et d’états-d’âme, le public doit démêler le vrai du faux et établir sa propre version des faits, bien qu’un retournement – dont on ne dévoilera rien ici – ne vienne renverser quelques certitudes. En somme, une habitude au théâtre…
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Aveux
Conception et texte Mona El Yafi
Mise en scène Ayouba Ali
Avec Mona El Yafi, Cindy Girard et Zachary Lebourg
Scénographie Louise Sari
Création lumière Nicolas Galland
Régie Son Laurent Le Gall
Lumières Héloïse Evano
Création sonore Najib El Yafi
Texte lauréat de la Bourse Jean-Guerrin d’aide à l’écriture d’une œuvre dramatiqueProduction Compagnie Diptyque Théâtre
Avec le soutien de la DRAC ; la Région Hauts-de-France ; le Département de l’Oise ; la SPEDIDAM ; la Ville de Montreuil ; Le Palace – Service culturel de la ville de Montataire ; La Manekine-Scène intermédiaire des Hauts-de-France ; Théâtre Municipal Berthelot-Jean Guerrin ; La Faïencerie -Scène conventionnée des Hauts-de-France ; la Maison du théâtre d’Amiens – Scène conventionnée des Hauts-de-France ; la Scène Europe – Service culturel de la ville de Saint QuentinDurée : 1h15
Festival Off d’Avignon 2023
La Factory – Salle Tomasi
du 7 au 23 juillet, à 14h15 (relâche les 10 et 17)
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