L’écrivain Laurent Mauvignier signe, à la Colline, le texte et la mise en scène d’une pièce qui raconte l’impossible retour dans sa famille d’un jeune homme sorti de prison. Un sujet fort mais qui tourne à vide et n’émeut guère.
Les parents, revenus sur le lieu de vie qu’ils ont hâtivement quitté pour fuir la calomnie, les sœurs, plus ou moins bien accompagnées par leurs conjoints respectifs, tous sont là, réunis, strictement alignés comme des piquets derrière une banderole de bienvenue qu’ils tiennent en l’honneur de leurs retrouvailles espérées avec Yoann, le fils prodigue de la famille, dernièrement sorti de prison après une vague histoire de vol d’argent sur son lieu de travail. Derrière eux, l’intérieur uniforme d’une maison pavillonnaire dont les murs et le mobilier gris forment un huis clos propice à de multiples crises de nerfs, sautes d’humeur, hostilités et révélations. Devant, seul et assez détonant, se tient celui dont la présence-absence sème le trouble et polarise toute l’attention. À l’exception de quelques furtives réminiscences du passé, comme la rencontre avec son ancien copain survenue lors d’une soirée arrosée jouée en flashback, Yoann demeure à l’écart. Il est moins l’acteur que l’observateur et le commentateur de ce qui se donne à voir et à entendre sur scène : le délitement de sa famille dont chacun des membres se dévoile empêtré dans d’accablants problèmes personnels.
La façon dont le personnage annonce, lors d’un long monologue inaugural, son retour vers les siens après une longue absence, rappelle le parcours dramatique d’un certain Louis, l’anti-héros de Juste la fin du monde, au point que la pièce testamentaire de Jean-Luc Lagarce paraît sans doute comme une source d’inspiration (évidemment magnifique mais un peu écrasante) aussi bien d’un point de vue thématique qu’au niveau du rythme et de la langue tant celle-ci ressasse à l’envi. En effet, les répliques s’interrompent, reprennent, se corrigent, se chevauchent, tournent en boucle ou restent en suspens, pour nécessairement dire l’incompréhension et l’inévitable incommunicabilité entre les êtres accablés.
Dans ses quelques pièces de théâtre (Retour à Berratham, Tout mon amour, Ce que j’appelle oubli) comme dans ses nombreux beaux romans, Laurent Mauvignier captive en déployant de longs mais limpides monologues, et possède un sens du récit et du discours souvent aussi évident qu’émouvant, de même qu’une capacité à dessiner toute la complexité, la fragilité, l’épaisseur humaines de ses protagonistes. Pourtant, il semble s’être ici perdu tant il enchaîne des propos hyper-psychologisants dont certains n’évitent pas la banalité. Signataire d’un texte plusieurs fois remanié, il réalise aussi sa toute première mise en scène qu’il orchestre simplement autour d’une vaste table, un espace domestique a priori rassembleur qui ici ne parvient pas à unifier. L’ambition de porter lui-même son œuvre au plateau fait aussi défaut. En cause, une direction d’acteurs assez inégale. Car à l’exception de Norah Krief et Gilles David qui forment un couple aussi fantasque que douloureux, les acteurs s’efforcent à jouer volontairement sans naturel et ne parviennent à trouver ni le ton ni l’incarnation justes.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Proches
texte et mise en scène Laurent Mauvignier
avec Cyril Anrep, Pascal Cervo, Gilles David, Lucie Digout, Charlotte Farcet, Arthur Guillot, Norah Krief, Maxime Le Gac-Olanié
assistanat à la mise en scène Elsa Imbert
scénographie Emmanuel Clolus
création lumières Stéphanie Daniel
création son Lucas Lelièvre
costumes Anne AutranProduction
Les Aventuriers.e.s Philippe Chamaux
coproduction La Colline – théâtre national, Théâtre Garonne, scène européenne – Toulouse, Le Volcan- Scène nationale du Havre, Théâtre du Beauvaisis – Scène nationale
avec le soutien du Trident – Scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin et du Théâtre du Bois de l’Aune – Aix-en-Provence.Parution le 31 août 2023 aux Éditions de Minuit
texte et mise en scène Laurent Mauvignier
Durée : 1h35
La Colline
du 12 septembre au 8 octobre 2023 au Petit Théâtre
du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h
relâche dimanche 17 septembreles 12 et 13 octobre 2023 Théâtre du Bois de l’Aune – Aix-en-Provence
le 19 octobre 2023 Le Trident – Scène nationale de Cherbourg
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