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Un Opéra de quat’sous à deux balles

Aix en provence, Les critiques, Moyen, Opéra, Paris
L’Opéra de quat'sous de Bertolt Brecht, Kurt Weill et Elisabeth Hauptmann. Direction musicale Maxime Pascal — Mise en scène Thomas Ostermeier. Festival d'Aix-en-Provence 2023

Photo Jean-Louis Fernandez

Le Festival lyrique d’Aix-en-Provence s’ouvre inhabituellement sur un contre-opéra, joué et chanté avec entrain par la troupe de la Comédie-Française, mais mis en scène sans invention par Thomas Ostermeier qui tire trop vers l’anecdote et la gaudriole le brûlot politique et esthétique de Brecht et Weill.

Dans la chic cour de l’Archevêché, les clochards sont rois. Brigands, malfrats, criminels, hors-la-loi, prostituées et proxénètes sont les antihéros que porte à la scène L’Opéra de quat’sous, non sans jubilation et loin de toutes les conventions du genre. Créée en 1928 au Theater am Schiffbauerdamm, qui fut l’ancêtre du Berliner Ensemble, la pièce fait plonger dans les bas-fonds londoniens où règnent une corruption et une amoralité qu’elle dénonce sous les plaisants attraits de sa musique grinçante et gouailleuse, et à grand renfort d’aphorismes anarchiques retraduits pour être bien en phase avec l’actualité de notre société elle aussi en crise.

Thomas Ostermeier, qui avait jusqu’ici toujours résisté aux sirènes de l’opéra, signe sa première mise en scène lyrique en s’attaquant à une œuvre qui se présente davantage comme une parodie subversive du genre inspirée de l’esprit du cabaret. Pour ce faire, en bon homme de troupe et de répertoire, l’artiste berlinois poursuit son compagnonnage artistique avec la Comédie-Française. Il aurait pu nager comme un poisson dans l’eau avec cet ouvrage du jeune Brecht dont il se dit l’héritier. Mais pour cela, il fallait proposer autre chose qu’un spectacle juste « sympa », blagueur, qui réduit la subversion au profit du divertissement. Avec habileté, Ostermeier fait se déployer quelques trouvailles de bon aloi, comme une série de grandioses entartages et de glissades sur un sol collant de gâteaux bon-marché renversés lors du mariage clandestin de Polly et Macheath. D’autres jeux de scène beaucoup trop appuyés se laissent lâchement aller à des clichés et des facilités qui réduisent, voire étouffent, la violence politique et sociale plus amèrement dénoncées par Brecht dans son explosive satire du capitalisme. A la fin, son héros dévoyé passe étonnamment à côté de la pendaison.

Il est même parfois difficile de reconnaître celui qui autrefois relisait Shakespeare avec autrement plus d’acuité et d’insolence pour rendre compte de l’arrogance du pouvoir, de la décadence du monde, du besoin de désobéissance. Cet Ostermeier-là se distinguait principalement par son sens inouï de l’espace et de la direction d’acteurs. Mais ici, côté décor, il n’y en a peu ou pas. Un plateau d’abord vide et noir, puis une tribune surélevée, puis des écrans, comme il en fourmille partout dans les espaces publics, saturés d’images d’archives pas toujours suffisamment déchiffrables, d’autres écrans encore sur lesquels défilent des manchettes comme sur les chaînes d’infos. Côté jeu, les comédiens font souvent les piquets derrière des pieds de micros à l’avant-scène pour mieux lourdement apostropher le public qui lui répond avec plus ou moins d’élan avant de vraiment se lasser.

Cela traîne souvent en longueur, malgré les nombreuses coupes opérées. Pourtant, on ne peut imputer ni aux acteurs ni aux musiciens le côté filandreux du spectacle tant tous y mettent du cœur et de l’ardeur. Les comédiens-français semblent bien s’amuser, aussi frisent-ils le surjeu, en assumant alternativement les parties chantées et le texte parlé. C’est Claïna Clavaron qui ouvre le bal en entonnant, l’air faussement embarrassé et même assez crânement, la Complainte de Mac-la-Lame, LE tube de L’Opéra de quat’sous. Un peu plus tard, c’est la Polly de Marie Oppert, seule interprète à bénéficier d’une solide technique de chant, qui attirera davantage l’oreille. Christian Hecq commence un peu froidement, mais fait par la suite un irrésistible numéro à sa façon dans la Chanson de la parfaite inutilité de l’effort humain. Il s’associe à la pétulante Véronique Vella pour former un couple Peachum cynique et drolatique à souhait mais qui manque quand même un peu de férocité. À la fois gentleman et gangster, le Mackie Messer interprété par Birane Ba est plus l’un que l’autre car séduisant mais pas assez méchant (comme d’ailleurs ses acolytes qu’ils soient flics ou mendiants). Tous peuvent évidemment compter sur le soutien sans faille de l’ensemble Le Balcon dirigé de façon entraînante et exigeante par son chef Maxime Pascal. Des mélodies qui rutilent, des rythmes qui accrochent, et aussi quelques accents exotiques émanent de la fosse, avant que les multi-instrumentistes ne regagnent la scène pour gratifier de ce qu’ils présentent comme un couplet inédit exhortant l’assistance à partir à l’assaut des nouveaux fascistes. L’Opéra de quat’sous a donc bien de quoi aujourd’hui nous alerter.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

L’Opéra de quat’sous
Texte Bertolt Brecht
Musique Kurt Weill

Avec la collaboration d’Élisabeth Hauptmann
Traduction Alexandre Pateau
Adaptation et mise en scène Thomas Ostermeier
Direction musicale Maxime Pascal
Avec Véronique Vella, Elsa Lepoivre, Christian Hecq, Nicolas Lormeau, Benjamin Lavernhe, Birane Ba, Claïna Clavaron, Marie Oppert, Sefa Yeboah, Jordan Rezgui, Cédric Eeckhout, et l’orchestre Le Balcon
Dramaturgie et collaboration artistique Elisa Leroy
Scénographie Magdalena Willi
Costumes Florence von Gerkan
Lumières Urs Schönebaum
Vidéo Sébastien Dupouey
Son Florent Derex
Chorégraphie Johanna Lemke
Conseil à la dramaturgie Christian Longchamp
Conseil à la diversité Noémi Michel
Assistanat à la mise en scène Dagmar Pischel
Assistanat à la direction musicale Alphonse Cemin
Assistanat à la scénographie Ulla Willis
Assistanat aux costumes Mina Purešić
Assistanat à la vidéo Romain Tanguy

Nouvelle production du Festival d’Aix-en-Provence et de la Comédie-Française
Création en coproduction rendue possible grâce au généreux soutien d’Aline Foriel-Destezet

Durée : 2h

Festival d’Aix en Provence 2023
Théâtre de l’Archevêché
du 4 au 24 juillet 2023

Diffusion le 10 juillet à 20h sur France Musique et en direct le 12 juillet à 22h sur arte Concert puis en différé sur arte

Comédie-Française, Paris
du 23 septembre au 5 novembre

6 juillet 2023/par Christophe Candoni
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