Transposée dans un théâtre mais sans s’affranchir de l’imagerie pittoresque attendue, La Bohème de Puccini, mise en scène par Eric Ruf au Théâtre des Champs-Elysées, a davantage conquis que surpris son public.
Metteur en scène et scénographe de cette nouvelle production de La Bohème, l’actuel administrateur de la Comédie-Française opte pour la tradition et déplie des images canoniques promptes à illustrer l’atmosphère du Paris populaire du 19e siècle. Sous la neige, ses artistes et marchands ambulants, sa plèbe grouillante, ses Gavroches gouailleurs, ses garçons de café-restaurant foisonnent dans un tumulte euphorisant. Si la marge et la précarité sont des thèmes dominants dans l’œuvre, c’est plutôt un luxe cossu qui s’affiche voire surcharge le plateau encombré d’importants éléments de décors et des costumes un brin ostentatoires. Bien réalisé et joli à regarder, le spectacle est exempt de surprise et de nouveauté.
Exception à noter : une mise en abyme évince la mansarde frigorifiée du quartier latin au profit d’une simple cage de scène avec son éclairage à la rampe et ses sombres lointains. C’est devant un rideau du théâtre que se jouent les joies et les peines d’artistes miséreux mais toujours animés de jeunesse et de passion. Le Marcello tout en faconde d’Alexandre Duhamel peint la toile d’apparat, bientôt rejoint par ses fidèles et gaillards compères, Schaunard et Colline, rôles dans lesquels Francesco Salvadori et Guilhem Worms sont tour à tout d’une légèreté grisante et d’une sombre gravité.
Le couple principal que forment le poète Rodolfo et son aimée Mimi est tenu par Pene Pati et Selene Zanetti qui, en dépit de quelques fragilités, ont ému de bout en bout. Le ténor belcantiste, très attendu dans son premier rôle puccinien, a fait montre d’une délicate sensibilité, et ce jusqu’à une fin absolument poignante. Rarement forcée bien que pas toujours suffisamment étoffée pour ce répertoire, la voix est d’une clarté, d’une juvénilité et d’une solarité admirables. Prosaïquement apparue en haut d’un échafaudage mais mourante dans une robe rouge de diva iconique, Mimi, est elle aussi lumineuse et profite du timbre vibrant et des aigus charnus de son interprète. Dans les duos d’amours, comme lors du dénouement tragique, il se dégage des deux chanteurs une tendre et chaleureuse communion, une plénitude et une intensité émotionnelles qui servent véritablement le propos et charment le spectateur. A la tête de l’Orchestre National de France, Lorenzo Passerini rend compte de toute la beauté ardente et enivrante de la partition et démontre qu’il est un vrai chef de théâtre, attentif aux détails évocateurs, à l’épanchement lyrique comme à la tension dramatique qu’il ne cherche pas à refréner mais qu’il laisse, au contraire, pleinement s’exacerber.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
La Bohème
Giacomo Puccini
Lorenzo Passerini | direction
Eric Ruf | mise en scène et scénographie
Christian Lacroix | costumes
Bertrand Couderc | lumièreSelene Zanetti | Mimi
Pene Pati | Rodolfo
Alexandre Duhamel | Marcello
Francesco Salvadori | Schaunard
Guilhem Worms | Colline
Amina Edris | Musetta
Marc Labonnette | Alcindoro / Benoît
Rodolphe Briand | ParpignolOrchestre National de France
Chœur Unikanti, Maîtrise des Hauts-de-Seine | direction Gaël DarchenOpéra chanté en italien, surtitré en français et en anglais
Coproduction Théâtre des Champs-Elysées | Opéra National de Bordeaux | Angers-Nantes Opéra | Opéra de Saint-Etienne
En partenariat avec France TVAvec le soutien d’Aline Foriel-Destezet, mécène principale des opéras mis en scène au Théâtre des Champs-Elysées
Diffusion sur France Musique le 2 septembre à 20h (Samedi à l’Opéra présenté par Judith Chaine).
La Bohème fait l’objet d’une captation réalisée par François Roussillon, coproduite par le Théâtre des Champs-Élysées et FRAprod, avec la participation de France télévisions et de Radio France, et le soutien du CNC.
Retrouvez prochainement cet opéra sur la chaîne YouTube du Théâtre (TCE Live)
Durée : 50mn – Entracte (30mn) – 55mn
Théâtre des Champs-Elysées
Du 15 au 24 juin 2023
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !