Une sublime distribution domine la nouvelle production de Roméo et Juliette de Gounod que met en scène Thomas Jolly façon « grand spectacle » à l’Opéra Bastille.
Pour son retour tant attendu à l’Opéra de Paris, le couple mythique des amants de Vérone séduit en rivalisant de grâce et d’aisance naturelles, de pureté et de plénitude vocales comme de juvénilité physique, autant de qualités dramatiques et musicales que possèdent ses deux interprètes proches de l’idéal. Aussi éblouissants dans leurs habits de lumières constellés d’une fine poussière d’étoiles que par la beauté lumineuse de leur chant épanoui, la soprano Elsa Dreisig fait une Juliette palpitante et émouvante dès la valse qui s’offre comme son premier air, tandis que Benjamin Bernheim est un Roméo magnifiquement inspiré et touchant. A la tête d’une distribution remarquablement homogène, les deux chanteurs ravissent et rien que pour eux, la représentation vaut d’être vue.
La mise en scène de Thomas Jolly fait aussi sensation. Et le moins que l’on puisse dire est que le metteur en scène a tout fait pour. Sur la scène lyrique, Jolly renoue avec son dramaturge de prédilection, William Shakespeare, dont il a monté l’intégralité de la trilogie Henri VI, soit un marathon théâtral de quelques 18 heures de représentation auxquelles s’est ajoutée, en copieux épilogue, la tragédie de Richard III dont il s’est donné le rôle-titre. Avant de reprendre la saison prochaine sa mise en scène de Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, Jolly s’attaque à Roméo et Juliette avec un plaisir à la fois démesuré et non dissimulé pour la sophistication et l’excès. En fosse, l’orchestre chatoyant et raffiné s’offre sous la direction de Carlo Rizzi comme un déni à la lourdeur ostentatoire du plateau.
Ce n’est plus vraiment une surprise, l’outrance est chez Jolly un péché totalement assumé. Abusant de nombreux effets visuels, dont la beauté plastique est indéniable, sa mise en scène, assez illustrative et démonstrative, ne se met pas au service d’une lecture profondément renouvelée de l’œuvre, c’est ce qui limite sa force de frappe malgré son aspect divertissant et spectaculaire.
Sur scène, une réplique du monumental escalier du Palais Garnier a été posée sur un plateau tournant et trône en majesté. Dessus; dessous, et autour, gravite une espèce de faune bigarrée donnant à la fastueuse fête inaugurale l’aspect d’un carnaval orgiaque et macabre. Le spectacle n’est pas exempt d’une certaine trivialité tout à fait dans l’esprit shakespearien, mais aussi d’un lyrisme échevelé et d’un tragique consommé. Les moments les plus intimistes sont aussi les plus convaincants et émouvants. Ainsi, la célèbre scène du balcon est montée comme une déambulation onirique, sensible et émancipatrice des héros éponymes dans les dédales d’un palais mystérieux et enchanté.
Christophe Candoni – www.sceenweb.fr
Roméo et Juliette de Charles Gounod
Opéra en cinq actes (1887)
D’après William Shakespeare
Livret
Jules Barbier
Michel CarréDirection musicale
Carlo RizziCheffe des Chœurs
Ching-Lien WuMise en scène
Thomas JollyCollaboration artistique
Katja KrügerDécors
Bruno de LavenèreCostumes
Sylvette DequestLumières
Antoine TravertChorégraphie
Josépha MadokiAvec
Juliette
Elsa Dreisig
17, 20, 23, 26, 29 juin ‑ 3, 6, 9, 12 juil.
Pretty Yende
27, 30 juin ‑ 4, 7, 11, 15 juil.Stephano
Lea Desandre
17 > 27 juin
Marina Viotti
29 juin > 15 juil.Roméo
Benjamin Bernheim
17, 20, 23, 26, 29 juin – 3, 6, 9, 12 juil.
Francesco Demuro
27, 30 juin – 4, 7, 11, 15 juil.Tybalt
Maciej KwaśnikowskiBenvolio
Thomas RicartMercutio
Huw Montague Rendall
17 > 27 juin 2023
Florian Sempey
29 juin > 15 juil. 2023Pâris
Sergio Villegas GalvainGregorio
Yiorgo IoannouFrère Laurent
Jean TeitgenCapulet
Laurent NaouriLe Duc de Vérone
Jérôme Boutillier3h20 avec 1 entracte
Opéra Bastille – du 17 juin au 15 juillet 2023
Entierement d’accord sauf pour la direction d’orchestre raide, lourde, peu lyrique et travaillant peu la qualité du son. Cheurs vaillants mais loin de projeter les mots aussi noblement que les chanteurs!