Dans Au milieu des terres le GdRA (Groupement de Recherche Artistique) raconte l’humanité tuant sa mère Méditerranée. Pluridisciplinaire comme à son habitude, la compagnie compose un geste artistique singulier et inégal.
Mer fermée, qui sépare et réunit l’Europe, l’Afrique et l’Orient, berceau civilisationnel et cimetière de notre humanité depuis qu’y sombrent les migrants, la Méditerranée conjugue les contraires et se retrouve le temps d’un spectacle au centre de la scène, du monde, nombril et origine des peuples qui l’entourent et de celles et ceux qui la chantent au plateau. Autour de Christophe Ruhles, anthropologue et musicien l’un des trois fondateurs du GdRA , Chloé Beillevaire, danseuse née en France, Mounâ Nemri, acrobate née en Tunisie, Enza Pagliara chanteuse des Pouilles italiennes et Mondher Kilani, anthropologue tunisien exilé en Suisse. Chacun et chacune son tour, ils racontent l’histoire personnelle qui les rattache à cette mer et sur un texte cosigné avec l’océanologue Catherine Jeandel, celle plus universelle – géologique, politique ou mythologique – qui court de Gavarnie à Didon et Enée et nous lie tous à elle. Dans un ballet de langues -français, arabe, italien, occitan – un puzzle fragmenté d’évocations référencées se déploie ainsi autour d’une très belle installation, semi circulaire, grande et arrondie comme le squelette d’une baleine, constituée d’une série de bâtons Led mobiles, qui se balancent en rythme sur leurs pieds et changent de couleurs, figurant entre autres, bien sûr, les ondulations de la mer. Au milieu des terres mélange donc, comme en a l’habitude le GdRA arts et sciences humaines – le chant, le cirque, la danse, l’installation, le théâtre, l’anthropologie, l’Histoire, la littérature… – et construit ainsi une forme hybride étonnante mais pas toujours heureuse.
Le spectacle commence par une chanson, ode à la Méditerranée en mode pop seventies un peu bab, guitare électrique, tambourin des Pouilles et chant exalté qui a quelque chose d’illuminé. L‘interaction entre les interprètes affecte ensuite le naturel de la conversation mais peine à accomplir son rôle d’introduction ou de transition entre les plus longues adresses publiques qu’elle articule. Trois tirades structurent le spectacle. Une première où la Méditerranée prend la parole, au « je ». Une autre qui s’adresse à elle, au « tu ». Et une dernière que la mère amère adresse à « vous », les humains, pamphlet accusateur contre celles et ceux qui la détruisent et auxquels pourtant elle survivra. Un texte qui tranche d’avec ceux qui le précèdent, où s’égrenaient dans une prosodie rythmée tout un tas de références qui avaient le mérite de souligner tout ce que l’on doit à cette mer, sans jeu de mots, qui en fait notre mère commune.
Entrecoupé de chorégraphies musclées et saccadées des jeunes acrobate et danseuse, accompagné des créations musicales aux sonorités variées interprétées par Rulhes et Pagliara, intégrant de mieux en mieux cette installation interactive créée par le laboratoire Scale, le spectacle prend donc véritablement son envol dans son troisième tiers, quand il devient plus électrique et coup de poing. Les chorégraphies prennent alors un tour envoûtant, les chants planants nous embarquent à haute intensité et même Mondher Kilani, notre anthropologue helvète d’adoption s’électrise et se met à danser. C’était une première empreinte de trac à Louviers, le GdRA confectionne, on le sait, des spectacles qui sont des gestes à part, et s’il est des biens communs, des richesses qui ne dépendent d’aucune exploitation, et un rapport au monde à retisser, Au milieu des terres construit une manière à part et marquante, mémorable, de nous le rappeler.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Au milieu des terres
Une création du GdRA
Mise en scène & conception : Christophe Rulhes
Chorégraphie & conception : Julien Cassier
Mise en récit : Christophe Rulhes avec des textes de Catherine Jeandel & Mondher Kilani
Créé et interprété par :
Enza Pagliara : texte, musique et chant
Mounâ Nemri : texte, acrobatie, danse
Chloé Beillevaire : danse
Mondher Kilani : texte, danse
Christophe Rulhes : musique
Création musicale : Christophe Rulhes & Enza Pagliara
Dramaturgie et océanographie : Catherine Jeandel
Dramaturgie et anthroplogie : Mondher Kilani
Scénographie / Création lumière : Collectif Scale & le GdRA
Création son : Pedro Theuriet
Régie générale : David LøchenPRODUCTION & COPRODUCTION
Les 2 Scènes, Scène Nationale de Besançon ; La Brêche, Pôle national des Arts du Cirque de Cherbourg ; La Verrerie d’Alès, Pôle National Cirque Occitanie ; Théâtre Vidy Lausanne ; Le Tangram scène nationale d’Evreux ; Le Palais de la Porte Dorée Paris ; La Grainerie, Fabrique des Arts du Cirque de Toulouse Métropôle ; Le théâtre Garonne Scène Européenne de Toulouse Métropôle ; Ring, Scène Périphérique Toulouse ; L’Usine Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public.Durée 1h30
Création au Festival Spring
30 mars 2023
Le Tangram à EvreuxCirque de Gavarnie
Du 25 juillet 2023 au 15 août 202313 et 14 octobre 2023
Palais de la Porte Dorée, Paris dans le cadre du festival VIVANTSdu 30 novembre au 4 décembre 2023
Théâtre de Vidy-LausanneLes 6 et 7 décembre 2023
Les 2 Scènes – Besançon
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