Mehdi Kerkouche est le chorégraphe de ce début d’année. Il vient de succéder à Mourad Merzouki à la direction du Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne, et il ouvre l’édition 2023 du festival Suresnes Cités Danse avec Portrait, sa nouvelle création.
Portrait fait référence à la famille. C’est votre famille de danse, celle de votre compagnie EMKA ?
Ce qui m’intéressait dans l’idée du portrait, c’est non seulement cette représentation du groupe mais aussi d’imaginer quels sont les chemins qui les ont amenés à se rencontrer, à vivre ensemble, à cohabiter ou à se séparer. C’est effectivement une photo, cinq ans plus tard, de cette même famille qui n’est peut-être pas la même. On a monté la compagnie il y a cinq ans maintenant, donc les plus anciens sont là depuis cinq ans. Et les petits chatons qui nous ont rejoints en cours de route sont là depuis deux ans.
Est-ce que cette famille s’est agrandie pour ce spectacle ?
Oui Amy Swanson nous a rejoint spécialement pour ce projet. Elle co-dirige Le Regard du signe à Belleville. Pour parler de la famille, j’ai besoin de représenter absolument toutes les personnalités et tous les âges. Souvent, quand on va voir un spectacle de danse, on voit des jeunes danseurs élancés qui ont un physique extraordinaire. Amy a 67 ans, elle est danseuse depuis plus de 40 ans. C’est trop cool dans le spectacle de la voir danser à côté de Jaouen qui n’a que 19 ans.
Pourquoi avez choisi de laisser le plateau nu ?
J’ai eu une idée de scénographie que j’ai schématisée et budgétée et je me suis rendu compte que neuf interprètes sur le plateau, c’était déjà extrêmement massif. Je n’avais pas besoin de rajouter de décor. Je pense que dans la simplicité, on peut trouver énormément de choses. On se concentre sur le mouvement, sur le caractère chorégraphique, sur la matière, sur le rapport au corps et sur les danseurs en présence. Et c’est tout aussi puissant grâce à la lumière que d’avoir une très grosse scénographie.
2023 démarre sur les chapeaux de roue, car vous êtes à la fois à Suresnes Cités Danse, et vous avez pris aussi depuis le 1er janvier, la direction du CCN de Créteil et du Val-de-Marne. Quel est votre projet ?
Je me rends pas trop compte pour le moment parce que je suis à fond dans la création. Le projet que j’amène dans ce lieu, c’est vraiment l’évolution de mon travail de compagnie depuis cinq ans. J’ai l’ai montée pour créer des spectacles et des événements, pour donner des cours de danse, pour casser la frontière entre le public et le quatrième mur, pour permettre aux gens de venir avec nous. Ce je vais mettre en place à Créteil, c’est la continuité, mais avec plus de moyens. En tout cas, je l’espère. Donc j’y vais avec la pression bien évidemment d’un titre et d’une nomination par Madame la Ministre, mais j’y vais aussi de manière très consciente de l’importance de cette responsabilité.
Vous faites partie de ces artistes qui n’ont rien lâché en 2020 pendant les confinements, en maintenant le contact avec le public. Pourquoi cela était-il si important pour vous ?
Je suis intermittent du spectacle depuis longtemps aussi. Et dès que j’ai été confiné chez moi, j’étais en stress. Tous les spectacles sur lesquels je devais commencer à travailler se sont annulés. Comme je suis passionné, j’ai continué à rester créatif. Si j’avais été peintre, j’aurais continué à peindre. Si j’avais été chanteur, j’aurais continué de chanter. On a continué de fédérer le public grâce aux réseaux sociaux.
Est-ce que c’est aussi pour vous un moyen de renouveler les publics ?
Quand on a diffusé la pièce que j’ai créée pour le ballet de l’Opéra national de Paris à la télévision, on a eu énormément de retours du public qui nous disait « merci » car il n’aurait jamais pu se déplacer à Paris. Il faut payer des billets pour venir à Paris, et quand on a une famille, ça monte très vite. Et effectivement, la communauté qu’on s’est créée sur les réseaux sociaux grâce à toutes les actions mises en place pendant le confinement, comme le festival On danse chez vous, prouvent l’importance de conserver cette notion d’accessibilité à la culture. La culture, l’art, de manière générale, doivent rester accessibles et toucher absolument tous les publics. C’est comme ça qu’on arrive à éduquer les gens. C’est comme ça qu’on arrive à transmettre nos messages et nos informations. Et le festival – qui pour sa 3e édition a rassemblé en une journée 2000 spectateurs – va continuer à Créteil.
Avec quels chorégraphes vous avez envie de travailler à Créteil ?
Le dispositif du CCN va me permettre de continuer de développer mon travail, mais aussi d’accompagner les talents émergeants. Ce que je fais depuis trois ans avec On danse chez vous. Ce qui est cool, c’est que j’utilise cette plateforme pour permettre au public de découvrir tous styles de danse. Je veux continuer à le faire pour proposer un maximum de représentations, un maximum de diversité, tant dans la manière de vivre, d’être, de créer, de réfléchir la danse; pas forcément de la réfléchir uniquement sur le plateau, mais de 25 000 formes différentes.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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