Parité : les mauvais comptes du spectacle vivant
Un tiers pour les femmes, deux tiers pour les hommes. L’inégalité demeure criante dans le spectacle vivant dans les postes de direction. Le SYNDEAC (Syndicat des Entreprises Artistiques et Culturelles) qui regroupe les principales structures du spectacle vivant public français : CDN, scènes nationales, scènes conventionnées, CCN …) poursuit son étude sur la présence des femmes. Etat des lieux.
Le bilan est « Très mauvais » pour Nicolas Dubourg, le président du SYNDEAC. « Toujours aussi alarmant » pour Aline César, autrice et metteuse en scène. Le constat n’est pas joyeux et la structure a décidé d’alerter la Ministre de la Culture pour accélérer le pas ainsi que les structures concernées pour qu’elles prennent conscience du chemin à parcourir. Alors il relance la Ministre et lui demande d’accélérer le rythme. Caroline Guiela N’Guyen est pressentie pour devenir la seule femme à la tête d’un des 5 théâtres nationaux au TNS, mais la décision n’est pas officielle, et le décret de nomination (qui doit être signé par Emmanuel Macron) n’a pas été publié. Et si l’on se rapproche de la parité dans les directions de CDN ( 39 % vs 53 %, 8 % par des binômes), le courrier envoyé à la Ministre souligne que les huit plus gros CDN en terme de budget sont dirigés exclusivement par des hommes. Et les quatre plus petits, exclusivement … par des femmes bien sûr. « Au total, les hommes gèrent 79 millions d’euros dans les CDN et les femmes 41 millions. C’est un rapport du simple au double » souligne Aline César, artiste et co-pilote du groupe égalité-diversité au SYNDEAC
On pourrait se satisfaire des quelques progrès effectués depuis le rapport de Reine Prat en 2006, et depuis qu’Aurélie Filippetti a lancé un mouvement repris par les Ministres qui se sont succédé.e.s rue de Valois. « Mais plus de quinze ans ont passé, alors les objectifs de stricte égalité devraient être atteints maintenant », explique Nicolas Dubourg, président du SYNDEAC. « Au lieu de cela, on est plutôt sur un rapport d’1/3 vs 2/3 » synthétise Aline César.
Égalité en trompe-l’œil
« Attention à une égalité en trompe-l’œil », prévient Nicolas Dubourg. Et de fait, l’étude du SYNDEAC dépasse les chiffres de façade pour porter le fer là où ça fait mal. Car le Ministère affiche les progrès effectués en termes de nominations mais la direction des établissements peut cacher des forêts d’autres inégalités. Dans les Scènes Nationales, par exemple, les femmes gèrent des budgets en moyenne 20 % inférieurs à ceux des hommes. Pour les artistes, le potentiel de public alloué aux femmes (nombre de places ouvert à des spectacles portés par des femmes) est de 33 % seulement. (Mais, bien sûr, de 47 % en marionnettes et de 49 % en jeune public. « Ce sont les spectacles qui demandent souvent le moins de moyens de production et dans l’inconscient général, les femmes restent mieux placées pour s’adresser aux enfants », explique Aline César.
L’évolution de ces chiffres récoltés sur la saison 20/21, par rapport à la précédente est très faible, constate Nicolas Dubourg. « Il y a eu un effet report dû au Covid certainement. Mais on stagne. On a donc décidé d’envoyer les résultats particuliers à chacune de nos structures adhérentes. On espère que par la connaissance, on produira de la conscientisation et de l’action ». Dans ce cadre, l’interpellation de la Ministre vise à ce que l’État donne aussi l’exemple et ne se contente pas d’une feuille de route jugée trop peu ambitieuse en termes de délais. Du côté des Théâtres Nationaux, le potentiel de public pour les femmes est de seulement 27 %. Ces résultats sont-ils particulièrement mauvais parce que les lieux sont dirigés exclusivement par des hommes ?
Pour Aline César « Les femmes conscientisent davantage le problème car elles y ont souvent été elles-mêmes confrontées. Mais il y a des femmes comme des hommes qui ont conscientisé la question et qui appliquent la parité dans leurs établissements. Il reste cependant une fracture générationnelle »… et de nouveaux prétextes qui commencent à poindre. « On n’entend plus dire pour justifier les inégalités : « moi je regarde le talent, pas le sexe » ». Mais avec les contraintes de rentabilité des lieux, on entend de plus en plus souvent « les femmes sont moins bankables que les hommes ». La route est donc encore longue, même si le SYNDEAC fait tout pour que le spectacle vivant public l’accomplisse plus vite.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
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