Les entrées sont magnifiquement bien réglées grâce à des choix musicaux judicieux. L’entrée de la Reine et du Roi sur du Nina Hagen est un must, on reconnaît bien là la patte de Jean-Luc Revol. L’environnement sonore a été particulièrement travaillé par Bernard Vallery (notamment les apparitions du spectre, dont la voix trafiquée de Christophe Garcia tourbillonne dans l’espace). Jean-Luc Revol, spécialiste du théâtre musical, amoureux de la farce s’en donne à cœur joie dans la scène des comédiens, véritable petit bijou d’invention, qui donne à Romain Poli le loisir de s’exhiber en reine de la comédie.
Le jeu de Philippe Torreton révèle les aspects les plus caustiques de l’œuvre. Il joue avec les bons mots de Shakespeare, et incarne un Hamlet facétieux. Alors le public ne peut cacher sa joie et applaudit pendant le spectacle. Quel bonheur de voir des spectateurs se lâcher et vibrer avec les comédiens. Du beau théâtre populaire, intelligent. Les murs de la Cour d’Honneur dans le département voisin vont être jaloux !
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Hamlet
Mise en scène Jean-Luc Revol
Traduction Jean-Michel Desprats
Assistant à la mise en scène Xavier Simonin
Scénographie Sophie Jacob
Costumes Eymeric François
Lumière Bertrand Couderc
Régie générale Olivier Even
Constructeur décorateur Emmanuel Laborde
et Christophe Boisserolle
Perruques Antoine Wauquier
Créateur son Bernard Vallery
Chargé de production Benjamin Bedel
Stagiaire Bertrand Lesca
avec
Philippe Torreton Hamlet
Catherine Salviat Gertrude
Anne Bouvier Ophélie
Georges Claisse Claudius
Jean-Marie Cornille Polonius
Cyrille Thouvenin Laerte, le prologue
Yann Burlot Rosencrantz
José-Antonio Pereira Guildenstern
Christophe Garcia le spectre, le premier acteur,
le roi de comédie, un capitaine
Vincent Talon Osric
Franck Jazédé Horatio
Antoine Cholet Marcellus, le fossoyeur, un acteur,
Lucianus, soldat Fortinbras, un marin
Romain Poli Voltemant, un acteur,
la reine de comédie, Fortinbras
Jean-Luc Revol Bernardo
(en alternance avec Vincent Talon)
Durée : 2h40
Création aux Fêtes nocturnes de Grignan (Drôme) le 1er juillet 2011
Les Fêtes nocturnes sont initiées par le Département de la Drôme et reçoivent le soutien de la Région Rhône-Alpes, du Ministère de la Culture.
Jusqu’au 20 août – Les fêtes nocturne de Grignan (26)
La tournée
1/11 – Vevey
8/11 – Corbeil
10/11 – Val de Rueil
12/11 – Elancourt
15/11 – Vésinet
du 23/11 au 27/11 – Comédie de Picardie à Amiens
6/12 – Reuil
13/12 – Aulnay
15 et 16/12 – Evry
6/01/12 – Lattes
21/01 – Bastia
26/01 – Bouscat
28/01 – Arcachon
31/01 – Saint Raphael
2 et 3/02 – Meynin
10 et 11/12 – Théâtre Toursky à Marseille
16/02 – Bayonne
Eprouvante déception que cette version singée d’Hamlet par de si bons acteurs! Le metteur en scène a donc exclu la direction de jeu de son travail? Hamlet par Torreton manque de nuances, de fragilité, de douleur. L’intelligence de l’acteur transparait bien dans le personnage mais la fragilité d’Hamlet n’y est pas. L’amour pour Ophélie est dit mais pas vécu. Les doutes et la complexité des sentiments d’Hamlet sont beuglés et transformés en colère vindicative. Quel dommage!
Le Hamlet de Torreton n’est pas fragile mais fort, il n’est pas amoureux endolori mais indépendant. On ne ressent aucun sentiment. Torreton s’amuse bien en Hamlet-Sganarelle insolent. Cela plait bien au public populaire conquis d’avance par ce d’habitude, très bon acteur! Alors il rit, ce public, et il applaudit fort après ces deux heures trente de spectacle raté.
La mise en scène est mauvaise, le pire étant le spectre du défunt roi joué en sorte de Dark Vador ridicule et, pour le coup, hilarant! Et puis même si Torreton est Torreton, il faut lui dire qu’il arrête de faire trembler la main droite de son bras replié à chaque fois qu’il déclame: c’est un tic parasite et c’est pénible! Et ça ne me convainc pas plus. Sorry. Tout était joué en force. J’attendais des nuances, de la finesse. Mention spéciale pour Georges Claisse, qui, en Claudius, sort quand même son épingle de ce jeu en « roue libre » dont le metteur en scène est responsable.
Que de cadeaux nous offre pourtant ce texte de Shakespeare: l’amour, le doute, l’impuissance, la folie… Aucun acteur n’a joué avec justesse la folie. La folie arrive au-delà de la douleur, c’est avant tout une absence. C’est le moment où l’acteur peut non seulement s’absenter de lui-même mais aussi de son personnage. Une chance inouïe!!! Il y a quand même de bons moments, et puis le texte si bon rend le tout supportable.
Bonjour,
Je commence à m’intéresser sérieusement à la question du Hamlet, et ça commence à m’échauffer sérieusement aussi. Je n’ai pas vu la version de Macaigne, Revol et tant d’autres.
Par contre, j’ai lu Lacan et Dover Wilson sur le sujet. Mes critiques sont sur http://horatio.hautetfort.com
Mon idée, c’est qu’une suite peut être écrite. ça pourrait s’appeler « le procès de Horatio » ou Horatio tout simplement.
Tout est parti, il y a plus d’une dizaine d’années, d’une conférence de Marie-Hélène Roch (psychanalyste lacanienne) sur l’interprétation du désir selon Lacan. Je me suis mis à lire la pièce pour savoir de quoi on parlait. Et la première chose qui m’a sauté aux yeux c’est que c’était du suicide pour Hamlet que d’accepter le combat avec Laërte. J’ai enchaîné avec les films dont je parle si dessus.
Enfin j’ai voulu approfondir en lisant le séminaire de Lacan. Là, j’ai été ahuri par les interprétations du psychanalyste. S’il s’attarde sur la question de la procrastination du personnage, des passages à l’acte, il fait peu de cas des intervalles où Ophélie et Gertrude meurent. C’était si impressionnant de la part d’un psychanalyste comme Lacan de ne plus coller au texte, que je me suis dit: l’enjeu de cette pièce était (inconsciemment ou non) d’éliminer Gertrude et de maquiller cela par le suicide du héro. S’il y en a un qui retarde l’action, c’est Shakespeare; il doit bien y avoir une raison.
J’ai présenté ma réflexion « clinique » devant la section clinique de Melun qui m’a répondu que c’était une bonne critique littéraire mais que ce n’était pas intéressant d’un point de vue psychanalytique – possible!
Dix ans plus tard, j’ai envie de sortir mon texte du placard, je l’envoie à 4 éditeurs et j’étudie la question de l’auto-édition. Je créais ce blog sur hautetfort et je commence à communiquer sur le sujet. Michel Delville me répond et me conseille la lecture de Dover Wilson. Ce que je suis en train de finir. D’une part je m’aperçois que ma critique de Lacan mérite d’être revue et corrigée, d’autre part Dover Wilson se permet des interprétations fallacieuses. Et malgré cela il passe pour un maître en la matière.
Ma lecture critique de Dover Wilson m’a appris plusieurs choses:
– Horatio et les gardes ont vus le spectre mais ils ne l’entendent pas. Hamlet tient Horatio par les couilles en le faisant jurer par trois fois. Horatio ne bronchera pas après la play-scène.
– Claudius, à la fin de la play-scène, se lève outré non parce qu’il vient de voir l’assassinat de Hamlet sous les traits de Gonzague, mais parce que Hamlet fait jouer le rôle de neveu à Lucianus, ce qui met Hamlet dans une relation incestueuse avec sa mère.
Je vous passe l’ensemble des détails qui méritent qu’on s’y arrête et qui appellent une lecture toute nouvelle de la pièce – si ça n’a pas déjà été fait. J’avais déjà rassemblé quelques éléments sur cette page:
http://horatio.hautetfort.com/introduction/
Maintenant pour répondre à votre question: où est-ce que je veux en venir?
Je dirais que je suis persuadé qu’il est possible d’écrire une suis au Hamlet de Shakespeare. Il nous reste:
– Horatio que Hamlet charge de raconter son histoire.
– Fortinbras qui ne demande que ça et qui risque de ne pas être dupe.
– Une flopée de courtisans qui ne demandent que ça de l’enfoncer ou de dire la vérité.
Le projet est tout à fait sérieux comme vous pouvez vous en douter maintenant. Je ne serais peut-être pas celui qui le portera mais je suis celui qui en a eu l’idée. Je ne suis en tout cas pas en capacité d’écrire dans la langue de Shakespeare. C’est peut-être ce qu’il ne faut pas chercher à faire. Je suis en train de résumer la pièce tel que je la comprends (voir blog).
Je vais ensuite me mettre au travail sur un résumé de ce qui pourrait être la suite: le procès de Horatio, qui démontrera:
– que Horatio s’est fait piéger dès le début! (Bernardo peut en témoigner)
– que Hamlet est passé à l’action en écrivant cette lettre d’amour déplacée à Ophélie! (les lettres comme preuve)
– que Polonius, pour ne pas révéler son secret, a attribué les raisons de la folie de Hamlet à son amour déçu pour sa fille.
– que Hamlet n’avait aucune raison de prendre Polonius pour Claudius dans la chambre de la reine (puisqu’il venait de le croiser en prière) (les gardes peuvent témoigner, ils ont entendus Polonius appeler à l’aide)
– pourquoi en aurait-il voulu a Claudius? Il le soupçonnait d’avoir tué son père? Quelqu’un a-t-il entendu les paroles du spectre? Non! Hamlet a-t-il expliqué la façon dont son père aurait été tué? Non! pas même à Horatio. Claudius en a-t-il parlé à quelqu’un? Gertrude? Non!
– Qu’est-ce que Polonius faisait seul avec Gertrude? N’était-ce pas la place de Claudius? (Que dit la rumeur?)
– Hamlet aimait Ophélie! Faux! il a écrit cette lettre pour sonder son entourage, et notamment Polonius qu’il soupçonnait d’avoir eu une relation avec sa mère du vivant de son père. Quand Ophélie lui a rendu ses lettres il a compris que sa mère était derrière tout ça (contrairement à ce qu’elle annonce au cimetière elle n’avait aucune intention de la marier à son fils).
– Hamlet a réussi à prouver que Claudius était le meurtrier en faisant venir la troupe de théâtre. Faux! A la pantomime, il ne s’est rien passé, au prologue rien, pendant le meurtre de Gonzague, on ne sait pas ce qui lui à pris de dire que le neveu du roi voulait épouser la reine! Le roi outré est sorti. Par contre à cette représentation tout le monde à pu le voir afficher son mépris pour la reine. Polonius a sauvé la face. (Qu’on fasse venir cette troupe de théâtre pour rejouer la scène)
– Claudius est à l’origine de ce déferlement de violence! N’a-t-il pas voulu faire éliminer Hamlet en l’envoyant en Angleterre après le meurtre de Polonius. Faux! la décision était prise après la rencontre avec Ophélie dans la galerie. (Rosencrantz et Guildenstern peuvent en témoigner, ils n’ont pas été éliminés par les anglais)
– Hamlet a tout fait pour protéger sa mère. Faux! Quand il quitte la chambre de sa mère en traînant le corps de Polonius, il lui demande: elle sait pour l’Angleterre. Lors du duel, Hamlet s’aperçoit que l’épée de Laërte est démouchetée. Lorsqu’il entend Claudius hurler à la reine: « ne buvez pas », Hamlet comprend que la coupe est empoisonnée. Il la laisse boire.
– Pourtant, à la fin, quand il tue Polonius il lui crie « -va en enfer » Non! Qu’est-ce qu’il lui a dit? Qu’est-ce qu’il lui dit à ce moment là? Il lui dit « suis ma mère! »
Il y a de quoi perdre la tête, n’est-ce pas?
Merci pour votre attention!
Sylvain